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lement un humble et timide arbuste. Sa force végétative et sa manière de végéter, les fluides dont elle s’alimente et l’espèce de terre qui leur sert de réservoir, diffèrent à plusieurs égards de ceux de tous nos autres végétaux. Outre les connoissances générales, il en est donc de particulières, prescrites impérieusement par le mode de son organisation, à ceux qui veulent parvenir à des succès ?

Il n’est pas besoin de recourir à l’autorité des écrivains, pour établir la nécessité non-seulement d’avoir à sa disposition un assez gros capital quand on veut jetter les fondemens d’un vignoble, mais même de posséder un revenu indépendant de celui qu’on peut en espérer quand il est parvenu à son plein rapport. Les frais indispensables de l’établissement d’une vigne ; les fréquens travaux, les soins presque minutieux qu’elle exige pendant son enfance, la lenteur avec laquelle elle laisse comme échapper les premiers signes de sa reconnoissance, leur qualité médiocre et le peu de valeur qu’on y attache, justifient assez la première assertion. La preuve de la seconde nous la trouvons dans les vicissitudes de sa reproduction. En effet, il n’est point de produit territorial sujet à autant de variations que celui-ci. Les blés, les prairies, les bois eux-même ont bien à lutter aussi quelquefois et avec désavantage, contre les tempêtes, les débordemens, l’intempérie des saisons ; mais il est rare qu’ils soient atteints de ces fléaux pendant plusieurs années consécutives ; encore l’effet de ces désastres n’est presque jamais tellement accablant que le cultivateur ne trouve dans le reste de ses récoltes quelques moyens d’indemnités, par le surhaussement du prix des denrées qui lui restent ; mais la chance courue par le propriétaire des vignes est tout autrement incertaine. Les vignes ont bien plus à redouter le terrible effet de la grêle et des orages, parce qu’elles y restent plus long-tems exposées ; de l’intensité et de la longueur du froid de nos hivers, parce qu’elles y sont plus sensibles ; du givre qui pèse sur les tiges et sur la partie des sarmens qui sort des aisselles. Par son contact, la congélation se communique de point en point, l’épidémie se soulève, le tissu cellulaire s’écarte, et par son déchirement, produit une solution de continuité dans les canaux conducteurs de la sève, d’où résulte la paralysie partielle de la plante, si elle n’est frappée de mort toute entière. Ce n’est pas tout : souvent les pluies équinoxiales de germinal se prolongent assez pour surprendre la vigne pendant sa floraison, à l’époque des noces végétales ; en interdisant toute communication entre les parties sexuelles, elles sont un obstacle à l’acte de fécondation ; d’où résulte ce qu’on appelle la coulure, c’est-à-dire la stérilité. Des étés humides, les gelées tardives du printems, les gelées prématurées des automnes sont encore des causes de destruction ou de détérioration des produits de la vigne. Enfin, il est un autre fléau tellement particulier à cette plante,