Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1800, tome 10.djvu/103

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

campagne contre leur inclination à prodiguer aux bestiaux les fourrages auxquels ceux-ci ont l’air de donner la préférence, quand on a d’abondantes provisions, nous répéterons ici ce qui a été dit plusieurs fois dans le cours de cet ouvrage : c’est qu’il faut donner peu et souvent à manger aux bestiaux enfermés dans les étables, aux animaux ruminans sur-tout. Nous ajouterons que des distributions peu mesurées de vesce non battue nuiroient aux chevaux mêmes, et qu’elles ne tarderoient pas à les échauffer d’une manière alarmante, par les maladies cutanées qui en résulteroient.

Le même fourrage, semé en automne, et dont nous parlerons incessamment, distribué en verd, ou pâturé dans le champ au commencement du printemps, à l’époque où les herbages ne commencent qu’à pousser, est infiniment avantageux. Il répare en grande partie les effets de la mauvaise nourriture ou de la nourriture trop économisée de l’hiver. Il est d’un prix infini pour le sevrage des agneaux qu’il est si important de conduire au pâturage, séparément de leurs mères, pendant deux mois au moins ; il augmente le lait des vaches et des brebis nourrices, et dispose les unes et les autres à passer insensiblement et sans accident, des alimens secs aux autres prairies artificielles. Dans cet état de verd, elle peut concourir avec l’orge ou l’avoine à former l’engrais des bestiaux destinés à la boucherie. En sec, on n’en tireroit pas le même avantage, et toujours à cause de la qualité très-astringente de son fruit, quand il est entièrement dégagé de son eau de végétation.

On a l’habitude, dans quelques parties de la France, dans celles sur-tout où le nombre des bestiaux n’est pas proportionné à la quantité des terres en labour, et dans celles où les matières de la litière sont rares, soit par le peu de produit des champs en paille, soit par le peu de soins qu’on apporte à se procurer toutes les matières végétales qui peuvent la remplacer ; on a l’habitude d’enterrer les vesces dans le champ même qui les a produites. Le moment à choisir pour les enfouir est celui où la plante, étant en pleine floraison, présente le plus gros volume auquel elle puisse atteindre. Si on l’enterroit plutôt il y auroit perte, parce qu’on en obtiendroit une masse d’engrais, moins considérable ; si on attendoit plus tard, la plante desséchée en partie ne contiendroit plus la quantité suffisante des parties humides par qui la fermentation doit être établie promptement, pour opérer de suite sa conversion en terre végétale. Si la vesce a été clair-semée, si la terre a du fond, il est inutile de faucher pour enfouir. Si au contraire la charrue ne peut pénétrer qu’à un décimètre, par exemple, de profondeur ; et si la fane épaisse couvre toute la surface du champ, il est avantageux de la faucher, ou du moins de l’affaisser avec le rouleau avant de l’enfouir ; autrement le soc sans cesse embarrassé dans sa marche, for-