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des calculs exacts, on y trouvera de l’avantage.

Les conseils que je crois devoir donner sont d’autant mieux fondés, qu’ils se trouvent confirmés par un usage utile, introduit depuis longtemps dans la Beauce. Des fermiers de cette province louent sur les bords & au milieu de la forêt d’Orléans, des pâturages frais & abondans, pour y mettre à la fin de mai leurs moutons seulement, qu’ils en retirent à l’approche de la moisson. Cette petite émigration a deux avantages ; 1°. de corriger par des alimens aqueux la constitution des moutons, & les effets de la nourriture sèche qu’on leur donne pendant cinq mois ; 2°. de réserver pour les brebis & les agneaux les herbes qui croissent sur les jachères, & de prévenir ainsi la maladie du sang dans les uns & dans les autres. Ces pâturages étant bornés, il n’y a qu’un petit nombre de fermiers qui puissent en profiter, & beaucoup n’y ont pas de confiance, parce qu’en voulant éviter à leurs moutons la maladie du sang, ils leur ont quelquefois procuré la pourriture. (voyez ce mot) Mais on préviendroit ce dernier inconvénient, qui n’est dû qu’à l’ignorance & à l’inattention des bergers, si on exigeoit d’eux qu’ils ne conduisissent qu’avec réserve leurs moutons dans les endroits les plus humides de ces pâturages, & qu’ils leur fissent paître de temps en temps des herbes moins aqueuses.

Il est indispensable d’enlever souvent le fumier des bergeries, & d’y pratiquer assez de fenêtres pour entretenir des courans d’air, avec l’attention de les laisser ouvertes même en hiver. On évitera de mettre ensemble un trop grand nombre de bêtes à laine relativement à l’étendue des bergeries.

L’influence des causes prochaines de la maladie du sang peut aussi, se corriger. On préservera les bêtes à laine du soleil & de la grande chaleur, si on les mène aux champs de bon matin, & si elles n’y retournent que tard ; mais au lieu de les tenir dans leurs parcs au milieu du jour, on les ramènera à la ferme, pour les mettre sous un hangar ou sous des arbres, ou le long d’un mur à l’ombre.

Les bergers ne conduiront leurs troupeaux dans les chaumes de froment nouvellement coupé, que quelques jours après l’enlèvement des gerbes, sur-tout au commencement de la moisson, parce qu’on a remarqué que les épis des fromens les premiers coupés étoient dangereux, vraisemblablement parce qu’ils ne sont pas dans une maturité parfaite.

Je ne puis mieux indiquer les remèdes qu’il convient de donner aux bêtes à laine, lorsque la maladie du sang se déclare dans un troupeau, qu’en exposant les moyens que je vois réussir sous mes yeux depuis quelques années, & pour lesquels mes conseils n’ont pas été inutiles.

En 1775, on se contenta d’établir dans un parc, où la mortalité étoit considérable, des baquets qu’on remplit d’eau, dans laquelle on fit dissoudre quelques poignées de sel marin. Les premiers animaux qui en burent y revinrent plusieurs fois, & accoutumèrent les autres à s’abreuver de cette eau salée, en sorte que dans le troupeau auquel on ne donna que ce remède simple, la maladie du sang cessa, tandis qu’elle