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vision pour la journée, après la donnée, remettez le surplus dans un endroit frais, mais point humide ; elle y prendroit une saveur désagréable, & les vers la dédaigneroient. Dans ces premiers jours, il est essentiel de leur donner une nourriture qui les flatte, & l’on ne peut pas mieux y réussir qu’en leur offrant une feuille tendre & bien fraîche.

Plusieurs Auteurs conseillent de hacher la feuille, & l’expérience en démontre la nécessité, lorsqu’elle est large & un peu trop forte : 1°. les petits morceaux présentent plus de bords, & l’on sait que les vers attaquent & rongent la feuille par les bords. 2°. Les vers ont plus de facilité pour se disperser également, puisqu’une feuille coupée en plusieurs morceaux présente infiniment plus de bords, & alors chaque ver trouve sans peine à se placer pour manger. À mesure qu’il grossit, on hache la feuille moins menue, & l’on cesse cette opération après la seconde mue.

Pour faire les levées, la feuille hachée n’est pas commode ; je préférerois, dans ce cas seulement, de donner les feuilles entières, afin de les prendre par le pétiole, lorsqu’elles sont bien couvertes de vers.

On n’est pas d’accord sur le nombre des repas qu’on doit donner aux vers nouvellement nés. Les uns n’en veulent qu’un seul, d’autres deux, trois & même quatre. Lorsqu’on ne donne qu’un repas, la feuille doit être distribuée avec abondance : qu’en résulte-t-il ? la feuille se flétrit avant que le ver ait mangé selon son appétit, & il la dédaigne. Le ver souffre donc de la faim, & la feuille est perdue. Un autre inconvénient assez grave, est, que la litière étant composée d’une feuille tendre, se décompose & pourrit promptement ; les vers respirent donc de bonne heure un mauvais ait ; ce qui présage des accidens pour les âges suivans. Ce n’est pas à l’époque de la naissance des vers, qu’ils exigent des soins pénibles : il suffit d’avoir un peu d’assiduité à les veiller, & à fournir à leurs besoins. La méthode la plus générale, est celle des trois repas ; un de grand matin, le second à midi, & le troisième le soir. Quand on veut donner toutes les six heures, il faut répandre la feuille avec économie. C’est une erreur pernicieuse de donner aux vers à tout moment : 1°. c’est une perte de feuille inutile ; 2°. on augmente la litière, qui fermente facilement & donne un mauvais air ; 3°. le ver mange sans appétit ou se promène sur la feuille ; 4°. il n’a pas le temps de repos nécessaire pour sa digestion. Lorsqu’il est réglé dans ses repas, il se jette avec avidité sur la feuille fraîche qu’on lui donne, la mange sans rien perdre, & il profite beaucoup mieux.

Dans une éducation hâtive, aidée par une chaleur de vingt-six à vingt-huit degrés, les repas doivent être de deux en deux heures pendant les deux premiers jours, & les suivans on les réduit à six par jour pour le reste de l’éducation.

Quelle quantité de feuilles doit-on donner à chaque repas ? L’éducateur intelligent qui a fixé le nombre des repas à trois ou à quatre, juge après le premier, de ce qu’il doit donner au second. Si les vers n’ont laissé que les nervures des feuilles, s’ils lèvent & agitent les têtes avec impatience, lorsqu’il vient pour leur donner le second repas, il augmente un peu la