deux eaux de pluie, tombée en différens temps ; j’en arrosai deux paquets de feuilles séparées, & un troisième le fut avec de l’eau de puits. Les vers qui mangèrent de ce dernier, & l’un des deux autres, rendirent la plupart la goutte brune & périrent. Ceux qui avoient mangé les feuilles de l’autre paquet, n’eurent point de mal : les vers étoient du même âge, élevés ensemble & jouissant, selon les apparences, d’une santé égale.
» Il n’y a pas de doute que les eaux de pluie ne diffèrent les unes des autres, selon la nature des lieux où s’élèvent les vapeurs, qui en font la matière. C’est de là qu’elles tirent leurs bonnes ou mauvaises qualités ».
Je pense à ce sujet comme M. l’abbé Sauvages ; (consultez l’article Pluie) il est constant qu’une pluie d’orage doit être plus dangereuse, considérée comme eau, que la même eau d’une pluie qui se soutient depuis plusieurs jours, parce que celle d’orage balaye subitement, & se charge de toutes les émanations répandues dans l’atmosphère, tandis que lorsque la pluie est de durée, celle qui tombe après la première ou la seconde heure, n’y trouve plus aucune matière à s’approprier. Quoi qu’il en soit, le fait rapporté par M. l’abbé Sauvages confirme la fatale expérience que la feuille mouillée nuit aux vers ; que s’il y a des exceptions, elles sont rares ; enfin que comme le cultivateur n’est pas en état de distinguer l’essence de ces pluies, il doit par nécessité les regarder toutes comme funestes, & agir en conséquence.
Section IV.
De la manière de conserver les feuilles.
Si la saison est belle, la chose est facile ; il suffit de les étendre sur des toiles, ou sur des planches dans les rez-de-chaussée de l’atelier ; & de peur de les amonceler les unes sur les autres, de leur donner le plus qu’il est possible de superficie, en contact avec l’air atmosphérique. Un bon cultivateur suppléoit les planches & les toiles par un filet qu’il avoit lui-même fabriqué. Ce filet divisé en plusieurs pièces, couvroit tout le sol de l’atelier. Il réunissoit les quatre coins d’une partie du filet, & transportoit ainsi les feuilles dans la magnanière sans les froisser & sans être maniées deux fois. Si le carrelage du rez-de-chaussée est humide naturellement, les planches sont à préférer aux filets, quoiqu’elles nécessitent une opération de plus dans le transport des feuilles. On les réunit assez facilement avec un râteau à dents de bois, & il sert également à les éparpiller.
Un abus impardonnable est de laisser passer la nuit, ou un temps considérable, aux feuilles renfermées ou pressées dans les sacs ou dans les toiles, parce qu’elles s’y échauffent promptement & beaucoup. À quelque heure qu’elles arrivent dans l’atelier, il est indispensable de ne pas attendre un seul instant à les répandre sur les tablettes ou sur les carreaux.
Afin de rassembler dans le même tableau tous les abus qui naissent de la négligence ou de l’absurde insouciance des propriétaires & des journaliers, il suffit de considérer que