Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1796, tome 9.djvu/593

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un effet aussi marqué, qui la remue de tant de manières différentes, n’est-il pas un puissant remède dans les affections nerveuses ? puisque l’on trouve dans les nerfs, la source de toutes nos passions, & que leur dérangement est la cause morale de la maladie qui nous occupe.

Ce seroit ici le lieu de nommer tous les médecins qui ont appliqué la musique à la cure des vapeurs nerveuses ; je m’appuyerois d’autorités respectables, & je ferois une longue liste des noms justement célèbres. On y compteroit les Baglivi, les Willis, les Lorry, & beaucoup d’autres praticiens distingués.

Mais entre toutes les citations que je pourrois faire pour prouver l’efficacité de la musique dans les affections vaporeuses, je choisirai deux faits connus de tout le monde. Le tarantisme, ou ce délire causé par la piqûre d’une araignée commune dans plusieurs contrées de l’Italie, & en Corse, & cet exemple fameux tiré d’une source sacrée. Dans les tarantismes les effets de la musique sont assez puissans, pour opérer quelquefois seuls, la guérison de cette maladie, que les médecins modernes ont rangé dans la classe des affections nerveuses, & qu’ils regardent avec raison comme une sorte de mélancolie. Qui ne sait pas que le saint roi David ramenoit la tranquillité dans l’ame de Saül, par les charmes de sa harpe, dont la douceur calmoit les accès furieux, qu’aucun autre remède ne pouvoit adoucir.

Mais le médecin qui veut employer utilement la musique dans cette maladie, doit varier son traitement autant peut-être que le sont les symptômes eux-mêmes, & autant qu’il y a de différens modes dans la musique. Je ne puis donner que des apperçus capables cependant de guider l’homme instruit, & qui n’auroit plus alors qu’à consulter la diversité des circonstances.

Ainsi une musique douce & tendre conviendroit à ces vapeurs noires qui approchent de la fureur. On appliqueroit les airs gais & pleins de légèreté à la mélancolie profonde ; on réserveroit ceux qui sont d’un genre plus élevé pour les esprits d’une trempe forte, mais qu’un désir de gloire, ou l’ambition mal satisfaits auroient amené dans l’abattement & au dégoût de la vie.

Les inclinations seroient consultées ; les uns sont excités plus vivement par le son des instrumens ; les inflexions de la voix affectent plus délicieusement les autres. La musique seroit différente dans les accès, & dans les intervalles des accès. Quelquefois on s’insinueroit dans l’esprit du malade, en flattant d’abord sa manie, pour le faire passer insensiblement des idées qu’il caresse à des idées contraires. Les nuances à observer sont infinies, les détails en sont impossibles à suivre ; mais un praticien éclairé trouvera facilement le fil qui peut le conduire dans ce labyrinthe, il imitera ce que l’on pratique dans le traitement du tarentisme ; il essayera les airs qui conviennent, jusqu’à ce qu’il ait enfin trouvé celui qui est du goût du malade.

M. Ami.


VARECH. Nom générique que l’on donne à toutes les substances végétales ou animales que la mer jette sur ses bords. Dans quelques-