Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1796, tome 9.djvu/573

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

par couche avec le foin qu’on veut garder pour l’hiver ; on a l’attention dans ce cas de ne pas laisser le foin se dessécher autant que si on le serroit pur ; il n’est pas sujet à s’échauffer, son humidité étant absorbée par la paille, à qui elle donne plus de saveur.

Si c’est mal entendre ses intérêts que de ne pas nourrir assez, & s’il est vrai qu’une vache bien nourrie rapporte plus que deux qui le sont mal, ce n’en seroit pas moins un abus très-préjudiciable que de nourrir trop ; les vaches engraisseroient, donneroient moins de lait, ou tariroient même absolument : elles demanderoient aussi le taureau plutôt.

Une des attentions les plus essentielles à avoir lorsqu’on nourrit des vaches, c’est de ne jamais les faire passer brusquement de la nourriture verte à la nourriture sèche, & de celle-ci à la première ; on doit, au contraire, les y amener peu-à-peu & par gradation.

Art. II.

De la boisson.

On doit abreuver les vaches deux fois par jour ; cette précaution est sur-tout essentielle lorsqu’elles sont nourries au sec. L’omission de cette attention est une des principales causes des maladies inflammatoires auxquelles les vaches sont ordinairement si sujettes.

Il faut en outre que l’eau dont on les abreuve, soit la plus pure & la plus claire qu’il soit possible. On doit toujours donner la préférence à celle qui court ; la meilleure de toutes est celle qui coule au dessous des moulins, le battement qu’elle a éprouvée en passant sous les roues, l’a rendue plus douce, plus légère.

C’est un préjuge bien général & bien dangereux que celui de croire que les eaux fangeuses & croupissantes des mares, soient une boisson plus saine que l’eau la plus pure. Les suites funestes que ce préjugé entraîne tous les jours auroient bien dû le faire disparoître.

Lorsqu’on n’a point d’autre eau pour abreuver les vaches que celle de ces mares, ou de l’eau de puits qui s’oppose à la cuisson des légumes, qui dissolve mal le savon, qui ne soit pas propre à laver le linge, on doit la battre en la laissant tomber plusieurs fois d’un vase dans l’autre, ou ce qui est bien plus économique, la filtrer à travers le sable. Pour cet effet, on se sert d’un tonneau défoncé par le bout d’en haut ; on couvre le fond d’en bas d’une couche de sable de quatre à cinq pouces d’epaisseur, après avoir percé ce fond de plusieurs petits trous, & l’avoir enveloppé extérieurement d’une toile, qui laisse passer l’eau & retienne le sable. L’eau, ainsi filtrée, doit être reçue dans un baquet, qui servira d’abreuvoir.

On rendra l’eau bien plus saine encore, en la blanchissant avec le son de froment ou la farine d’orge : cette pratique est excellente, elle procure aux vaches beaucoup de lait.

Dans les chaleurs de l’été, on mettra un verre de vinaigre par seau dans la boisson des vaches, lorsque l’eau ne sera pas de bonne qualité, & si la sécheresse étoit très-considérable, on fera bien d’aciduler ainsi leur boisson, de quelque nature qu’elle soit.