l’emporteront de beaucoup sur ceux de l’esparcette, soit par la quantité, soit par la qualité du fourrage. On doit donc en bonne règle choisir la culture qui rend le plus. C’est par la même raison que, pour les champs médiocres ou mauvais, l’esparcette mérite la préférence. Elle lui est due 1°. parce qu’elle est un bon fourrage& une excellente ressource dans les pays où il en manque ; 2°. parce qu’elle sert à engraisser les terres, les rendre plus productives en grains, & par une longue suite de culture, plus productives même en sainfoin ou esparcette.
Il vaut mieux avoir un peu de fourrage que point du tout ; que ce fourrage soit de bonne qualité, c’est le second avantage. C’est précisément ce que l’on obtient par le sainfoin, même dans les plus mauvais terrains ; sans lui, leurs produits seroient nuls. À présent montons de progressions en progressions, suivant les petites bonifications qui se rencontrent dans les différents sols, quoique toujours supposés médiocres, & nous verrons les produits y correspondre ; enfin la récolte sera bonne dans les terrains où celle du trèfle & de la luzerne auroit été mauvaise. Il est donc précieux & très-précieux pour ces pays d’avoir une semblable ressource, aussi petite même qu’on voudra la supposer. On ne niera pas que si la récolte n’est pas abondante, on aura au moins un pâturage pour l’automne & pour l’hiver, si on sait le ménager ; & c’est déja beaucoup dans la supposition présente.
J’ai vu du sainfoin petit, il est vrai, mais couvrir entièrement à la seconde année la superficie d’un champ de craie pure, au point qu’on distinguoit très-peu la couleur du sol. C’étoit dans la Champagne pouilleuse. Il est vrai que la saison & les pluies de l’année précédente avoient beaucoup contribué à sa prospérité, & elle avoit été soutenue par le printemps, au moment que je l’observai. Si on n’avoit pas semé du sainfoin, le champ auroit été nu, comme il l’étoit auparavant. Tel étoit en général l’état des terres de cette partie des champs de la Champagne, avant qu’on y eut introduit cette culture. Cette affreuse craie qui fatigue l’œil du voyageur, & annonce la misère du canton, commence à changer de face depuis qu’on peut y nourrir du bétail. Or s’il est possible de fertiliser les craies pures, on peut donc à plus forte raison fertiliser des sols qui ne sont infertiles que par le défaut d’humus ou terre végétale, ou terre soluble dans l’eau, qui leur manque (consultez l’article Craie, essentiel ici, afin d’éviter les répétitions), & par une suite naturelle de ce raisonnement, il faut donc multiplier l’esparcette partout où manque le fourrage & partout où il est cher, puisque l’expérience a démontré d’un bout du royaume à l’autre, qu’elle réussissoit partout.
Le second avantage de cette culture est de rendre les champs plus fertiles & plus productifs en grains. Prenons encore une leçon dans le grand livre de la nature.
Supposons que dans un terrain jaune, rougeâtre, &c., on ouvre une tranchée sur ses bords, ou que par quelque éboulement il présente une surface coupée perpendiculairement.