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physique, on doit semer en février, dès que les grands froids sont passés, afin que la racine de la plante ait le temps de pivoter avant le retour des grandes chaleurs. Si l’hiver a été doux, si la chaleur est assez forte, pourquoi retarder les semailles ? la graine, comme graine, lorsqu’elle est enterrée & avant de germer, ne craint pas les gelées tardives ; d’ailleurs, elle ne germera que lorsque la chaleur ambiante ou atmosphérique en correspondance avec celle du sol, sera au point convenable au développement du germe. Chaque espèce de graine est soumise à une loi de la nature, & sa germination ne s’opère que lorsque la chaleur est au point convenable. D’après cette grande & importante vérité, démontrée par l’expérience, il est donc clair qu’on ne peut pas indiquer une époque fixe, ni la fête de tel saint ; mais que chaque cultivateur doit étudier la manière d’être du climat qu’il habite, &, d’après, cette étude & la marche de la saison, se décider à semer.

L’époque à laquelle on doit faucher le trèfle, est celle où il est en pleine maturité ; si on la devance, les feuilles sont trop herbacées ; si on la retarde, elles sont trop coriaces, trop sèches, moins nourrissantes, & on fatigue la plante en pure perte. Consultez l’article prairie, & vous trouverez la preuve de ces assertions.

CHAPITRE II.

Du trèfle, considéré comme excellent moyen d’alterner les récoltes.

Je ne répéterai pas ici ce qui a été dit à l’article Alterner ; il faut le consulter : je dirai seulement que depuis qu’il est publié, plusieurs particuliers m’ont écrit avoir presque doublé le produit de leurs fonds, en suivant la marche que j’ai indiquée. Puisse leur exemple être suivi de proche en proche & assurer le bien-être des cultivateurs ! J’oublierai alors toute la peine que le Cours d’Agriculture m’a donné, & j’aurai la satisfaction de pouvoir me dire que j’ai été utile à ma patrie.

Dans une assez grande partie du royaume, la méthode de semer le grand trèfle sur les fromens, s’établit, & les opinions sont partagées sur cette pratique. Les uns soutiennent qu’après les trèfles les terres sont épuisées, & le blé en est moins beau. D’autres, au contraire, affirment & prouvent par l’expérience que le trèfle n’appauvrit pas le sol, & concourt singulièrement à l’abondance des blés. Les deux partis ont raison, & ils disputeront encore pendant des siècles, tant qu’ils ne chercheront pas à s’entendre & n’établiront pas des principes & des bases fixes. Entrons dans quelques détails.

Le trèfle a une racine pivotante & presque entièrement dépouillée de chevelu ; ce n’est donc pas de la partie supérieure du champ labouré dont il tire sa subsistance, c’est de la partie inférieure où il plonge son pivot. Dès-lors, si le sol est compacte, fort & tenace, & si on s’est contenté de le labourer, ou plutôt de l’égratigner seulement à quelques pouces de profondeur, suivant la détestable coutume de la majorité de nos provinces, (consultez l’article Labour) il est clair que le pivot ne pourra le pénétrer, sur-tout si la première saison, après le semis, est Sèche ; dès-lors ce pivot