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dans le volume & la couleur plus ou moins foncée des fleurs. L’expérience la plus constante & la plus soutenue a démontre que ce grand trèfle n’est qu’une simple variété du trèfle à fleur pourpre des prés, & qu’il n’en diffère que par un peu plus d’embonpoint. Afin de mieux constater cette vérité, j’ai fait venir de Hollande & de Piémont la graine de ce grand trèfle ; je l’ai semée dans différens sols, dans différentes expositions, afin de constater la dégénérescence de l’espèce, en multipliant les semis avec la graine que j’ai récoltée.

Je suis à la fin parvenu à réduire la plante à la simple forme du trèfle rouge de nos prés ; ensuite, pour ne rien laisser à désirer, afin de me convaincre du perfectionnement de l’espèce par la culture, j’ai pris de la graine de ces belles plantes successivement dégénérées ; je les ai semées dans des pots, dans des caisses remplies d’excellent terreau, & au troisième semis, en continuant toujours les mêmes soins, j’ai obtenu des plantes aussi belles & aussi fortes que les premières provenant de la graine de Hollande ou de Piémont. Je puis donc dire & affirmer que le grand trèfle n’est qu’une simple variété de celui de nos prés à fleur pourpre. Ce point est essentiel à observer, afin d’éviter à l’avenir toute erreur provenant de la confusion de nom.

Plusieurs auteurs disent encore que ce grand trèfle fournit une prairie artificielle qui dure pendant quarante-cinq & soixante ans ; mais qu’elle se dégrade insensiblement pendant les dernières années, & qu’enfin elle périt. Je ne sais si dans certains cantons privilégiés, ce grand trèfle n’y est pas soumis à la loi de la nature comme dans tous les autres ; il est certain que par-tout ailleurs cette prairie ne subsiste que pendant trois années, & même encore à la dernière, la plante est maigre, chétive & épuisée. Il est probable que quelques fleurs que la faulx a épargnées, ont donné leur graine, que cette graine mûre est tombée sur terre, qu’elle a germé & produit de nouvelles plantes. C’est sans doute que cette génération inattendue a trompé ceux qui observent mal, & les a porté à confondre les nouveaux avec les anciens trèfles. Je ne nie pas le fait, puisque des auteurs qui ont de la réputation, l’avancent ; mais il me sera sans doute permis de suspendre mon jugement jusqu’à ce que je m’en sois assuré par moi-même ; quoi qu’il en soit, je persiste à dire que la grande valeur du trèfle de Piémont n’est réelle que pendant deux années, qu’à la troisième elle est très-détériorée ; enfin, qu’il ne vit que pendant trois ans, après lesquels la racine se dessèche, & il ne vit plus que par ses enfans.

Il seroit superflu de s’occuper ici du trèfle des prairie ou triolet, ce seroit l’abus le plus grand de le semer seul dans un bon fonds susceptible d’irrigation. Le fromental est cent fois préférable & plus lucratif. Si le sol est sec & maigre, tout au plus y seroit-il utile pour faire paître le bétail. Le fromental y réussiroit encore mieux. D’après un usage qui n’a aucun principe juste pour base, on sème le trèfle avec le fromental. Consultez l’article Pré, Prairie, & vous vous convaincrez de l’inutilité du mélange de différentes plantes, & jusqu’à quel point elles se nuisent les unes aux autres. Si le pays est naturellement humide & tempéré,