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commencement de la pourriture des vins. Il faut lire dans cet excellent mémoire, les preuves physiques qui démontrent la vérité de ces principes. De tels détails nous écarteroient de notre objet ; nous conclurons, d’après ces simples indications, combien il est important, lorsque le bois de chêne ou de châtaignier est débité en douve, qu’elles soient aussitôt élevées en pile, rangs par rangs, en laissant un peu d’intervalle entre elles, afin qu’il régne dans la totalité un grand courant d’air qui desséchera peu-à-peu la sève & préviendra toute putréfaction de sa partie gélatineuse. Il convient encore que les douves de la partie inférieure de la pile, ne reposent pas sur le sol, mais sur un chantier, ce qui augmentera le courant d’air. Le parti le plus sûr est de placer sous des angars les piles ; elles n’y sont plus successivement travaillées, ni par la sécheresse, ni par l’humidité ; rien ne contribue plus à la détérioration des bois que cette alternative.

On peut reconnoître les douves fûtées, 1°. à leur couleur plus sombre, plus terne ; si cette couleur est inégalement répartie dans les couches concentriques du bois, si elle est marbrée, ondulée, si le centre de ces inégalités présente un nœud pourri ou carrié, ce bois fûtera le vin. 2°. Lorsqu’on doute de leur mauvaise qualité, on les transporte dans un lieu humide où elles restent pendant quelques jours, on les scie sur un de leur bouts, & on les flaire au chemin de la scie. La chaleur causée par le frottement, décelle leur mauvaise qualité. Si le tonneau est monté, si le trou du bondon est ouvert, si le tonneau est depuis quelques jours tenu dans milieu humide, méfiez-vous de toute odeur insolite, même fût-elle suave. Cependant, ne vous trompez pas à celle naturelle du bois, ou de fumée, occasionnée par les copeaux que l’on brûle pendant la fabrication, afin de donner un pliant plus facile aux douves. Il peut avoir l’odeur d’échauffé, de moisi, de chansi, & ce n’est pas celle de fût. 3°. Un moyen bien simple décidera si les douves que l’on suspecte sont ratées ; il suffit d’enlever de leur surface quelques lamelles, quelques copeaux, de les renfermer dans une bouteille, de la remplir de vin, de les y laisser infuser pendant vingt-quatre heures, & de la tenir dans un lieu modérément chaud ; si les bois sont viciés, le vin, à coup sûr, sera assez fûté pour être reconnu par tous les dégustateurs.

Il existe des moyens de corriger le fût. L’eau de chaux saturée & récente, produit cet effet sur les bois fûtés. Ce moyen étoit déja connu ; mais M. Willermoz s’est convaincu, par un grand nombre d’expériences, qu’elle n’attaque pas les vins, dans leur saveur, leur qualité, ni dans leur couleur, lors même qu’on la mélangeroit beaucoup plus abondamment que les vins mutés ne l’exigent. Lorsqu’on a soutiré le vin vicié dans un tonneau sain, une once d’eau de chaux suffit par livre de vin. Ce tonneau doit être roulé chaque jour, & pendant dix à douze jours consécutifs. On appelle eau de chaux, celle qui surnage la chaux lorsqu’elle est éteinte. Kirman observe que six quatre-vingtièmes parties d’eau n’en dissolvent qu’une de chaux, que cette eau ne se comporte pas avec les