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tion, dans le second, par la spoliation ; tels sont les deux principaux effets qu’elle produit ; la dérivation & la révulsion devant être comptées pour des minimum momentanés, & par conséquent négligés.

Quoique nous n’admettions que ces deux indications générales pour la saignée, nous n’ignorons pas qu’une fièvre commençante ou trop forte, un excès de chaleur, les convulsions, les hémorragies, toute inflammation, sont autant d’indications pressantes pour la saignée : mais nous savons encore mieux que si les maux doivent être guéris par leurs contraires, la saignée ne convient dans aucun de ces cas ; à moins qu’il n’y ait en même temps pléthore ou consistance inflammatoire ; qu’elle n’est là qu’un palliatif dangereux par ses suites, qu’elle est le plus souvent inutile pour les guérir ; & que ces différens symptômes doivent être appaisés par les anodins, les narcotiques, les rafraîchissans, les relâchans, les astringens, les doux répercussifs, & les délayans. Nous croyons que communément on juge mal des efforts de la nature, qu’on les croit excessifs lorsqu’ils sont proportionnés à l’obstacle, & nous sommes convaincus avec Celse, que ces seuls efforts domptent souvent, avec l’abstinence & le repos, de très-grandes maladies : multi magni morbi curantur abstinentiâ & quiete. Cels. Après avoir parcouru tous les temps & effrayé mal à propos les propriétaires des animaux, le médecin vétérinaire peu accoutumé à observer la marche de la nature abandonnée à elle-même, a recours à la saignée, qui, loin de ralentir le mouvement du sang, l’accélère, à moins qu’il ne fasse tomber l’animal en défaillance, ainsi qu’il est aisé de l’apercevoir dans les fièvres intermittentes qui le changent en continues, ou bien il survient des accès plus forts & plus longs après la saignée.

Le plus grand nombre de ceux qui exercent la médecine des animaux, croiroit manquer aux loix les plus respectables, s’il s’abstenoit d’ouvrir la veine lorsqu’il est appelé au secours d’un animal malade en qui la fièvre se déclare ; & il accuse la maladie des foiblesses de la convalescence, tandis que les évacuations sollicitées mal à propos, n’y ont que trop souvent la plus grande part. Il croit reconnoître, ou du moins il suppose alors des pléthores fausses, des raréfactions dans le sang. À entendre ces nouveaux esculapes, on croit voir tous les vaisseaux prêts à se rompre par la dilatation que quelques degrés de chaleur de plus peuvent procurer au sang, & qui, s’ils l’avoient soumis au calcul, n’équivaudroit pas à l’augmentation de masse & de volume qu’un verre d’eau avalé produiroit. Le gonflement des vaisseaux qui paroît sur l’habitude du corps, le rouge animé qui se répand sur la cornée opaque, dans les naseaux, dans l’intérieur de la bouche, &c., leur sert de preuve. Ils ne voient pas dans l’intérieur la nature soulevée contre les obstacles & les irritations, resserrant les vaisseaux intérieurs, & chassant sans aucun danger, dans les vaisseaux cutanés, un sang qui n’y est trop à l’étroit que pour quelque temps, qui l’est peut-être utilement, & qui sera nécessaire dans la suite de la maladie. Ils oublient que ces efforts sont salutaires s’ils sont modérés, & que