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long-temps, qu’elles seront défrichées successivement. Dans cette supposition, les bras ni les engrais ne manqueront pas, & le riche propriétaire ne plaindra pas les fonds qu’il enfouit, soit pour avoir le plaisir de créer, (c’en est un très-grand) soit afin de se procurer des jouissances agréables ou utiles… Que si le sol de ces forêts est acquis morceau par morceau par de petits cultivateurs d’une paroisse nombreuse, tout mauvais qu’il est, il rendra plus entre leurs mains que dans celles des grands propriétaires, parce que, travaillant pour eux & par eux-mêmes, ils ne plaindront ni peines ni labeur, & ils paieront moins cher leurs prisataires, ou journaliers, on valets, aucun moment ne sera perdu & tout sera à leur avantage. Il résulte de ces données que la proposition générale est vraie, & que les modifications qui naissent, soit des localités, soit des circonstances, loin de la détruire, la confirment.

Je n’ai cessé d’inviter à boiser les sommets des montagnes, jusqu’à une certaine distance, parce que toute autre culture y est abusive, par-tout si la pente est rapide & prolongée. Consultez ce qui a été dit au mot défrichement. Les sommets boisés sont une mine inépuisable de terre végétale pour les bas ; abattez-y les forêts, dans peu ils n’offriront plus que des rochers secs & décharnés. Toute la terre qui les recouvroit sera entraînée dans les vallées ; à la longue, le sol des vallées diminuera en bonté, parce qu’elle ne sera plus entretenue par l’humus ou terre végétale des parties supérieures.

Les grands tenemens de forêts & de taillis prouvent en général, deux choses, ou que le pays est peu peuplé, ou que le sol en est mauvais. Si au contraire le sol est bon, & si les bras ne manquent pas dans les cantons, il est absurde de ne pas mettre ce sol en culture réglée. Jamais taillis ni forêts ne rendront autant que le blé, sur-tout si on alterne les champs avec le grand trèfle consultez ces mots) ; en suivant ce procédé on se procure chaque année une excellente récolte sans épuiser la terre ; mais si le sol est maigre, s’il est pentif, si la disette de bras se fait sentir, semez des glands ou telles autres graines propres au climat, consultez l’article forêt, multipliez les taillis en châtaigniers, mûriers, chênes, fayards, bouleaux, bois blanc, suivant la nature du sol. En parlant de chacun de ces arbres, on a indiqué la manière de les multiplier, & à l’article châtaignier, on trouvera tous les détails sur la manière de faire les taillis.

Quoique je ne cesse d’inviter à ne pas laisser un seul coin de montagne, un seul mauvais terrein sans taillis ou forêt ; il ne faut pas croire que le produit en sera considérable ; cependant il est assuré puisqu’on n’auroit retiré aucun bénéfice d’un sol pareil ; une fois semé, il ne demande plus aucune culture, & après vingt à vingt-cinq ans il donne un produit réel, tout modique qu’on le suppose, il vaut mieux l’avoir que rien du tout, & on aura conservé une mine de terre végétale.

M. Duhamel, dans son traité de l’Exploitation des bois, cherche à dé-