ressources précieuses, parce qu’ils sont forts en mères-racines & en chevelus, à moins que leur totalité ne soit entièrement caduque. Presque tous les arbres sur coignassier font bourrelet dans l’endroit où la greffe a jadis été placée ; au-dessous de ce bourrelet qui est à fleur de terre, & qui ne ressemble pas mal à une massue, partent trois ou quatre mères-racines qui plongent très-peu, & qui sont très-peu garnies de chevelus. Celles, au contraire, des francs, sont pivotantes, longues, nombreuses, chevelues, & la sève ne trouve jamais de bourrelet qui modère son cours.
Je ne cesserai de répéter qu’on ne doit planter que des francs, excepté pour certaines espèces particulières de poires, indiquées à l’article poirier. Les francs sont des arbres à ressource ; ils portent autant de fruit que les autres & aussitôt, quoi qu’en disent les jardiniers, si on fait les tailler & les conduire. J’admets que certaines espèces de poires & de pommes sont plus belles & plus grosses sur le coignassier ou sur le doucin, ou sur le paradis ; mais quelques exceptions particulières ne détruisent pas la loi générale. Le verd des feuilles d’un arbre sur franc sera toujours plus foncé que celui des poiriers sur coignassier ; cette couleur seule décideroit la question, si la beauté des bourgeons n’étoit pas encore une preuve palpable de ce que j’avance. On fait tout ce que l’on veut avec le franc, quand on sait le manier.
D. Je conçois qu’avec un peu d’attention, il est facile de s’accoutumer à la taille & au parfilage de quarante-cinq degrés, soit des membres, soit des bourgeons ; mais cette taille, que vous dites conforme à la loi de la nature, si elle est telle, doit donc être universelle, & s’appliquer par conséquent à l’arbre élevé en buisson ou gobelet ou entonnoir.
R. Vous avez raison de tirer cette conséquence, puisque dans le buisson comme dans l’espalier & dans l’éventail, l’arbre ne suit plus la première loi, qui lui dictait auparavant d’élever sa tige sur la ligne perpendiculaire, afin que toutes les branches fussent dans le cas de jouir des bienfaits de la lumière du soleil, & des effets météoriques. Depuis longtemps vous avez soustrait vos arbres de jardin au joug de cette première loi, & depuis un peu plus d’un siècle, les habitans de Montreuil ont arraché une seconde vérité à la nature ; cette grande & importante vérité est la loi de l’angle de quarante-cinq degrés. Or, si elle est indispensable pour l’éventail & pour l’espalier, elle l’est également pour le gobelet, puisqu’il ne diffère des premiers que par la forme circulaire sur laquelle on dispose ses branches. Cependant la parité, quoique parfaitement exacte pour le fond, ne l’est pas complètement par ses détails, puisque dans le gobelet il ne s’agit pas ces deux membres Supérieurs, ni des deux inférieurs, mais de plusieurs branches dont l’évasement en partant du tronc, prend la forme d’un gobelet monté sur son pied. Expliquons comment on parvient à faire prendre à toutes les branches l’angle de quarante-cinq degrés.
Pour bien juger, il convient d’avoir des points de comparaison. Prenons donc pour exemple l’arbre en buisson, conduit par un jardinier sans principes. Que le tronc n’ait qu’un à deux pieds au-dessus de terre, ou qu’il en ait trois ou quatre, peu