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rence, c’est-à-dire, coupez le sommet, d’une ou de deux branches, vous verrez bientôt paroître des bourgeons dans l’intérieur, & ces bourgeons venir occuper la place vide. C’est pour chercher l’air & la lumière, que les branches inférieures des châtaigniers, des noyers, &c. pendent presque jusqu’à terre, & que l’intérieur de ces arbres est entièrement dégarni.

La nature m’apprend encore que jusqu’à ce que ce que la totalité des branches, relativement les unes aux autres, soit parvenue à l’angle de quarante-cinq degrés, la sève s’emporte, monte avec force au sommet des tiges, & ce sommet est garni de bourgeons vigoureux qu’on peut avec raison nommer ici gourmands, puisqu’ils attirent à eux toute la sève. C’est d’après ce mécanisme que s’élève l’arbre à plein vent, qu’il s’élance, qu’il ne pousse plus de bourgeons ni de feuilles au bas de ses branches, & que toute la sève se porte à son sommet. Voilà l’arbre dans sa plus grande vigueur ; le voilà en état de dire à chacune de ses branches : votre sève est modérée par une égale distribution ; la preuve en est que vous pousserez sur les deux côtés, des bourgeons dont la direction, relativement à la vôtre, sera à l’angle de quarante-cinq degrés. Il y a donc un accord parfait entre toutes vos parties.

Bientôt la longueur des branches augmentera leur poids ; plus les feuilles & les fruits, seront placés à l’extrémité du levier, plus ils acquerront de pesanteur. La pluie, la neige concourent à augmenter le poids, & petit à petit les branches s’inclinent au-dessous de l’angle de quarante-cinq degrés ; l’arbre commence à perdre de sa vigueur : à cinquante degrés, elle diminue ; à soixante-cinq, il est vieux : enfin, lorsque toutes les branches sont parallèles entre elles, c’est-à-dire, à quatre-vingt-dix degrés, l’arbre est décrépit. Qui ne voit dans la progression des forces de l’arbre, dans son état de perfection, & dans sa détérioration, une concordance exacte avec le cours de la vie humaine !

De cet exemple, considéré en grand, & que la nature offre à chaque pas, dérivent d’eux-mêmes les principes généraux de la taille des arbres nains. Les besoins & l’agrément que l’homme cherche à se procurer, l’ont engagé à modérer la poussée des arbres, & à les réduire sous l’empire d’une seconde loi qui les assujettit à l esclavage ; mais si leur despote ne sait pas user de son autorité absolue, ils tendront sans cesse à recouvrer leurs premiers droits : de nains qu’ils étoient, ils redeviendront arbres à plein vent, & oublieront leur servitude. Si le joug est trop dur, ils périront peu à peu, & leur maître impérieux sera forcé de les remplacer par de nouveaux. Si au contraire le jardinier est instruit, ces arbres nains resteront sans peine dans leur état nain, & le récompenseront largement des soins qu’il leur aura prodigués. Venons a l’application.

Je suppose parler à un homme qui n’a pas les premières notions de la taille des arbres, ou à un jardinier qui convient de bonne foi, chose fort rare, que sa méthode est mauvaise, & qui cherche à s’instruire. La forme du dialogue paroît à leur portée.