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l’écorce, ce qui empêche que la plaie ne cicatrise. Je trouve un grand avantage a suivre la première opinion. 1°. Quoiqu’on ait près de quatre mois devant soi (suivant le climat), on n’a jamais trop de tems pour bien faire, sur-tout lorsqu’on a beaucoup d’arbres a tailler.

J’aime beaucoup mieux un ouvrage terminé, qu’un ouvrage à faire. Il est sage de prendre des avances, sur-tout dans la saison morte, afin de n’être pas forcé à travailler à la hâte sur la fin de l’hiver. Tous les travaux des saisons suivantes se sentiront de ce retard, & tout s’exécutera avec précipitation ; dès lors tout sera mal fait. Il convient, autant qu’on le peut, de profiter de la fin de novembre & du mois de décembre, parce qu’une fois que la neige, le givre ou la glace couvrent les arbres, ce n’est pas le cas de tailler. Souvent on est trompé par la précocité de l’hiver ou par sa durée : il est donc prudent de se hâter de profiter du temps, dès qu’aucune circonstance majeure ne s’y oppose. Le grand hiver de 1788 à 1789 m’a prouvé démonstrativement que l’opinion des jardiniers en faveur de la taille tardive, porte une donnée fausse. J’avois taillé la majeure partie de mes arbres avant le 10 novembre 1788, & aucun œil n’a été endommagé, quoiqu’on ait éprouvé à Lyon jusqu’à 17 degrés de froid, & quoique le jour de noël nous ayons éprouve une espèce de dégel, accompagné le lendemain d’une forte gelée. C’est à ce dégel & à ce gel subit, ainsi qu’à des givres épais & long-temps soutenus, que j’attribue les tristes effets du froid, sur les plançons et les nouvelles pousses des arbres greffés l’année précédente. La moelle des jeunes pêchers étoit devenue noire, ainsi que celle des plançons des poiriers. Ces arbres levés de la pépinière, & plantés dans le mois de mars suivant, ont en partie péri pendant la première année, & presqu’aucune n’a subsisté après la seconde. Je rapporte ce fait, afin que l’on juge de la différence dans les effets du froid ou sur les jeunes arbres, ou sur ceux plantés depuis long-temps. Les bourgeons, dira-t-on, des arbres anciens ressemblent aux pousses des arbres en pépinière. Je nie l’assertion : il est de règle que le sujet greffé en pépinière, fasse sa tige dans la première année, autrement l’arbre est presque de rebut ; tout l’effort des racines & de la greffe, s’est porté sur un jet unique, tandis que sur l’arbre ancien, il s’est divisé sur un très-grand nombre. Dans le jet de la greffe, on distingue difficilement le foible du fort, (consultez l’article sève) parce que le jet est presque tout d’une venue ; tandis que sur le bourgeon du vieux arbre, on voit sans peine l’effet, & de la sève du printems, & de la sève du mois d’août. Avant la seconde reprise de la sève, la première pousse a eu le temps de s’aoûter, pendant la stase qui a eu lieu avant la poussée du mois d’août. C’est précisément dans ce point de séparation, qu’on a établi la taille d’hiver, en supprimant toute la partie poussée par la sève du mois d’août ; donc on avoit taillé sur un bois fait donc il ne craignait plus les effets de la gelée. Le jardinier au contraire qui a taillé sur le bois nouveau d’août, a vu les bourgeons endommagés : cela devoit arriver ; leur bois ressembloit à celui des plants de pépinière qu’on a pris pour exemple.