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étendue que la nature, parce que chaque grand climat possède des plantes qui lui sont propres, & qu’on ne trouve que dans sa latitude ; mais le cultivateur qui désire seulement connoître sans se tromper, les plantes qui sont utiles ou nécessaire, à sa santé ou à celle des animaux de sa basse-cour, peut de lui-même, & sans avoir recours à aucun autre livre, 1o. faire un catalogue, une table de toutes les plantes décrites dans le cours d’agriculture ; 2o. d’après la méthode de Tournefort, placer les noms dans les classes indiquées ; 3o. suivre le même travail pour trouver la marche du système de Linné. Cette occupation sera non seulement agréable pour lui, mais encore très-utile. Lorsqu’il aura bien saisi l’ensemble de l’un & de l’autre système ; lorsqu’il aura rapproché & comparé leurs classes, leurs ordres, il verra combien ses idées s’agrandiront, & combien est belle & grande la marche de la nature dans la multiplicité des végétaux dont elle couvre notre globe.

La nomenclature botanique lui paroîtra, au premier abord, un peu difficile ; celle des outils & instrumens qui servent à l’agriculture, l’est bien plus pour l’homme qui commence à se livrer à l’étude de cette science ; dans la première, tous les mots ont une signification réelle & prise sur des objets déjà connus ; au lieu que les mots techniques de l’agriculture sont en grande partie dénués de base fixe. Un moyen bien simple pour se familiariser à l’usage de ces mots, c’est de lire attentivement la description d’une plante que l’on connoît déjà par son nom propre, & de comparer la description faite de chacune de ses parties avec la gravure qui la représente. Alors on applique le mot propre à la chose, on en grave l’idée dans sa mémoire ; enfin, l’habitude rend familiers les mots & leur application.

C’est ainsi que par des délassemens agréables & instructifs, l’habitant aisé des campagnes peut augmenter ses jouissances, ses plaisirs innocens, & par l’étude, se procurer des moyens qui augmenteront son bien-être. De toutes les erreurs, la plus nuisible aux progrès de l’agriculture, c’est de dire que le cultivateur sait tout ce qu’il doit savoir, & que sa pratique vaut mieux que toute espèce d’instruction : tel cultivateur aura pratiqué depuis cinquante ans, qu’il n’aura pas avancé d’un seul pas, parce que la pratique ne porte que sur des conjectures, sur des points sans liaison entre eux ; elle n’est aucunement fondée sur des principes. Si ce cultivateur réussit une fois, il le doit plus au hazard, à la manière d’être des saisons, qu’à la bonté de sa pratique si vantée. L’homme sage qui se livre à l’étude de l’agriculture, sent naturellement combien de genres de sciences sont nécessaires, ou plutôt ce n’est que par le concours de plusieurs sciences, qu’il parvient à connoître la nature, & se détermine aux genres de cultures demandés par les différens sols de ses domaines.