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qui sont à leur portée. Une tige si mince a toujours besoin d’un appui pour s’élever : aussi, rampe-t-elle sur terre, excepté qu’elle ne trouve des arbres ou des treillis, à l’aide desquels elle peut monter assez haut, quoiqu’elle n’ait point de vrilles, parce qu’elle s’attache fortement à tout ce qui est à sa bienséance. On la trouve quelquefois sur la tête des vieux saules, qu’elle orne de ses branches fleuries, qui pendent en festons.

L’écorce de ses jeunes rameaux est lisse & verte ; ceux qui sont plus vieux deviennent raboteux ; ils sont à l’extérieur, d’une couleur cendrée, ou d’un brun pâle ; intérieurement, ils sont toujours d’un beau verd. Il y a au milieu de ce bois fragile, une moelle fongueuse.

Lieu. Le long des haies, des buissons, dans les bois humides, autour des murailles, des vieux arbres, dans les endroits bas & marécageux. Elle fleurit en juillet & août. La plante est vivace ; on la trouve en tout temps ; mais en hiver, il est difficile de la distinguer des ronces & des buissons, parce qu’elle perd toutes ses feuilles dès les premières gelées. Elle habite de préférence les pays méridionaux, où elle croît spontanément. Il est certain que celle qu’on recueille dans nos contrées, & surtout celle qui naît dans les endroits secs, a beaucoup plus de vertu & d’énergie que celle qu’on trouve dans les pays septentrionaux & dans les endroits marécageux.

Propriétés. La douce-amère doit être regardée comme une plante héroïque, pour me servir des expressions du savant Linné, propre à purifier & à dépurer le sang. Appliquée extérieurement, c’est un bon topique anodin, résolutif, & vulnéraire : prise intérieurement, cette plante est atténuante, résolutive, diazoïque, diurétique & dépurative. On peut la ranger encore parmi les plantes cosmétiques.

Usages. On le sert extérieurement de toutes les parties de cette plante. Il n’y a pas même jusqu’aux bayes dont on ne fasse usage. On en tire le suc, ainsi que le disent Mathiole, Jean de Ruel, & l’auteur du dictionnaire botanique &c pharmaceutique, pour effacer &c détruire les taches de la peau, sur-tout celle du visage. Mathiole ajoute que les femmes de Toscane l’employent pour conserver la beauté & la fraîcheur de leur teint, & pour en détruire les taches de rousseur. Les anciens n’ont guères employé cette plante intérieurement ; du moins, avant Linné, en faisoit-on très-peu d’usage. M. Razoux, médecin de Nismes est le premier qui s’en soit servi pour l’usage intérieur, & qui ait opéré, par son secours, des cures heureuses & brillantes. M. Carrere, professeur émérite de l’université de Perpignan, actuellement résidant à Paris, prétend avoir perfectionné la méthode de l’administrer ; & nous pouvons dire, d’après les observations de ces deux auteurs, que la douce-amère doit être regardée comme une plante douée d’excellentes vertus, propre à purifier & à dépurer le sang. Sans être un remède anti-vénérien, elle est un puissant auxiliaire des préparations mercurielles, qui sont le vrai spécifique des maladies syphilitiques. Les vertus de la douce-amère ne sont point équivoques. On l’emploie utilement dans les douleurs