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les principes du vin, de la bierre, &c. sont en général les mêmes que ceux de la sève, quoique différemment modifiés. La grande chaleur de juillet les dispose à un nouveau travail, & la réaction de ses effets ne commence qu’en août. C’est à cette époque que les vins pourrissent, ce qu’on appelle tourner ; que les vins travaillent & lâchent une partie de leur air fixe ; que les vins aigrissent, &c. &c. &c. J’ai la preuve la plus complète qu’on peut démontrer cette analogie, par l’analyse chimique, & je n’entre dans aucun détail sur ce sujet ; parce qu’une telle dissertation ne seroit pas à la portée de ceux qui ne sont pas initiés dans les mystères de cette science. Reprenons le livre de la nature, il sera plus intelligible & plus démonstratif pour eux.

Si à la fin de l’hiver, je coupe un jeune jet de maronnier d’inde, de pêcher, de prunier, de cerisier, &c., & avant que la sève ait aucun mouvement sensible, si je place ces bourgeons dans un vase rempli d’eau, & dans un lieu où la chaleur de l’atmosphère soit, par exemple, entretenue à 112 degrés de chaleur, je vois, sous peu de jours, ces bourgeons conserver leur fraîcheur ; leurs boutons pousser, s’épanouir ; ceux à feuilles, produise des feuilles ; ceux à fleurs, les pousser, les laisser épanouir ; & la fleur est aussi belle que celle de l’arbre de son espèce. Cette sorte de végétation n’a qu’un terme ; lorsqu’il est passé, toute la verdure périt, & la fleur ne donne point de graines.

Ce phénomène, aux yeux de l’observateur, concourt au développement de ce qu’on se hâte d’appeler un mystère de la nature. Celui qui ne réfléchît pas, pense qu’ici tout est simple, & que l’eau seule du vase devient la matière de la sève, & suffit à la production des feuilles & des fleurs ; mais si cette eau est suffisante, pourquoi les étamines ne fécondent-elles pas le pistil ? pourquoi de cette fécondation, n’en résulte-t-il pas un fruit ? pourquoi ce fruit ne vient-il pas en maturité, & pourquoi sa graine est-elle incapable de produire un nouvel arbre ? L’expérience la plus complète, prouve que l’eau n’est pas suffisante, & la durée de cette végétation est-très-courte.

Si, pendant l’hiver, on abbat un arbre sain, si on l’élève sur des chantiers afin que le tronc ne touche pas la terre, de ce peuplier, de ce noyer, par exemple, il sortira une grande quantité de bourgeons lorsque la chaleur de l’air ambiant sera un dégré pour leur végétation, & les bourgeons subsisteront pendant un mois ou deux.

Si je coupe un bourgeon d’un arbre de judée ou de poirier, &c. & que ce bourgeon soit enfoncé assez profondément dans une terre maintenue fraîche, & exposée au soleil, lorsque les feuilles du poirier, de l’arbre de judée, &c. paroîtront sur ces arbres, celles des boutures paroîtront aussi, mais seulement pour subsister pendant un certain temps.

Si je couvre avec du coton la surface d’une soucoupe remplie d’eau ; si sur ce coton je jette de la graina de salade, de cresson alénois, de chanvre, &c. &c. je vois ces graines germer, pousser de petites feuilles ; elles ne produiront rien de plus ; il en est de ces graines comme des bourgeons des arbres cités.