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Voila la solution du problème. On peut avancer que la terre, en général, ne contient qu’un sel, celui de nitre ; mélange d’acide & d’alcali, plus ou moins chargé de l’un ou de l’autre. La lixiviation, soit à froid, soit à chaud, n’en présente pas d’autres. D’où l’on doit conclure combien est chimérique l’isolement que l’on suppose à chaque sel en particulier, afin d’alimenter telle ou telle plante, sans alimenter les plantes voisines. D’ailleurs le sel, comme sel ou substance concrète, n’existe pas tel dans les racines chevelues des plantes ; leur exiguité s’y opposeroit. Il faut donc les supposer dissous dans l’eau qui doit composer la sève ; mais une eau saline, acide quand elle est en contact avec une eau alcaline, s’unit avec elle, & de leur réunion & de leur mélange, résulte un fluide dont la partie saline est neutre, c’est-à-dire, un fluide salin participant des deux autres, mais d’un genre à lui, & qui n’est plus celui des deux premiers : donc ce fluide salin n’est pas celui de l’oseille, celui du sucre, celui de la bryone, &c. donc toutes ces suppositions n’ont été enfantées que pour marquer, l’ignorance des beaux diseurs en agriculture ; elles sont gratuites, puisqu’il faudroit supposer dans la terre renfermée dans une caisse, quarante dissolutions de sels différents, si elle contient quarante plantes différentes.

Il seroit possible, à la grande rigueur, d’admettre ces suppositions, si la sève ne charioit que des eaux salées à leur manière ; mais l’expérience prouve que les plantes fournissent de l’huile, de la terre, & les huiles varient autant que les sels, relativement aux plantes. Dira-t-on encore qu’il y a dans le sein de la terre autant d’espèces d’huiles que d’espèces de plantes, que d’espèces de sels ? que toutes les terres sont calcaires puisqu’après la décomposition des plantes, on n’en trouve pas d’autres ; même dans celles qui ont végété sur un sol de nature nullement calcaire par lui-même ? La nature est simple dans sa marche, & simple dans ses moyens. Les complications les dérangent. Cherchons donc quels sont les principes constituans de la sève, & comment les plantes se les approprient, soit pour fabriquer leur charpente, soit pour en contracter leur saveur, leur odeur & même la couleur qui leur est propre.

L’analyse chimique, je l’ai déjà dit, démontre dans les plantes, de la terre, de l’eau, de l’huile, de l’air & un sel quelconque.

Toutes ces substances, en apparence & séparément si immiscibles entre elles, ont été voiturées & déposées dans les plantes, par la sève ; elles sont le résultat de tous les mélanges.

1°. La seule terre calcaire est soluble dans l’eau, donc c’est la seule qui puisse être partie intégrante de la Sève. Il faut bien distinguer la dissolution de l’extension ou suspension d’une matière dans l’eau. Par exemple, si on prend du cinabre ou telle substance terreuse d’une autre couleur, si on l’agite dans l’eau, cette eau sera colorée en rouge ; mais après quelques heures de repos, le cinabre se précipitera au fond du vase, l’eau restera claire ; un peu jaunâtre, il est vrai : cette eau colorée, tirant sur le jaune, a réellement dissout une portion de la partie saline du cinabre ; mais la matière rouge précipitée n’est