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y concourir dans un certain degré, mais leur concours doit être constant & soutenu dans ce degré. Si des graines, dont les radicales sont déjà étendues, dont les plantules même ont commencé à se développer, manquent d’humidité, elles dessèchent & pétillent. Si la chaleur n’est pas entretenue à un degré nécessaire, leur végétation s’arrête, & si cette interruption de chaleur est longue, elles pourrissent au lieu de lever : si des graines sont trop enterrées ou couvertes de matières qui les privent d’air, elles demeurent sans action.

Si donc on veut semer avec succès les graines des plantes exotiques les plus délicates, il faut remplir des pots de terre légère, y placer des graines à une profondeur proportionnée à leur grosseur, donner une mouillure suffisante pour bien humecter la terre, couvrir le pot de deux pouces d’épaisseur de gros tan ou de mousse, plonger les pots jusqu’au bord dans le milieu d’une couche neuve de tan sous un châssis, 1o. Cette couche conservera une bonne chaleur plus de temps qu’il n’en faut aux graines pour germer. 2o. Étant faite avec beaucoup plus de fumier qu’on n’en emploie pour la tannée d’une serre, elle jette bien plus de vapeurs humides qui, pénétrant par les trous des pots contribuent à entretenir l’humidité de la serre. 3o. L’air étant renouvelle plus fréquemment à cause de l’humidité de ces vapeurs, il a plus de ressort que celui d’une serre. 4o. Les parties du tan ou de la mousse n’étant pas fort rapprochées, n’empêchent point l’action de l’air, mais empêchent l’évaporation de l’humidité de la terre, & dispensent de donner de grands & fréquens arrosemens, qui, quoique d’eau tiède, retarderoient le travail des graines, & pourroient leur devenir nuisibles. Vers le temps où l’on peut croire que les semences sont germées, on soulève le tan ou la mousse[1], & si quelques plantules commencent à sortir de terre, on retire ces couvertures ; pendant quelques jours on défend du soleil le plant naissant, & on lui donne de l’air & de l’eau.

On peut lire dans le dictionnaire de Miller[2] un fait qui appuie ce que je viens d’observer. Ce savant cultivateur ayant épuisé toutes les ressources de son habileté & de son expérience pour faire germer des noix de cacao, il retira, du milieu d’une couche neuve, deux des plus grands pots, sema les noix sur le côté dans le fond des trous, les couvrit d’environ deux pouces de tan, & remit les deux pots dessus. Six semaines après ayant visité ces noix, il trouva les racines alongées de

  1. Il faut souvent soulever la mousse, pour détruire les cloportes & autres insectes qui se plaisent dessous, & qui dérangent les graines fines très-peu enterrées, ou seulement appliquées sur la surface de la terre. Cette mousse ne doit être ni foulée, ni pressée, ni trop épaisse.
  2. Tout amateur de la culture des plantes étrangères & de serre chaude, ne peut se dispenser de le procurer cet ouvrage, & de le consulter souvent. Rien n’a été encore publié de plus parfait en ce genre.