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à boire. Plus elle sera séléniteuse, en moins grande quantité elle dissolvera le savon. En outre il est difficile de faire cuire les haricots & autres fruits légumineux dans cette eau. Souvent ils y durciront plutôt que de cuire. Une telle boisson ne convient ni aux hommes ni aux animaux ; à la longue elle leur devient funeste.


SEMAILLE, SÉMINATION, SEMIS. Ces trois mots expriment la fonction de répandre des semences en terre pour les faire germer, mais ils désignent trois manières différentes de semer. La sémination est uniquement l’ouvrage de la nature qui disperse à son gré les graines après leur maturité. Le semis appartient plus au jardinier & au forestier. Les semailles sont du ressort du laboureur. C’est improprement que bien des gens, en province sur-tout, disent les semences pour le temps & l’action de semer ou d’emblaver les terres. Le jardinier fait des semis à demeure & des semis en pépinière ; il sème sur couche, dans des caisses, des vases, des terrines. On fait aussi des semis en plein champ, en lin, en chanvre, &c. On en fait en gland, en farine, en pin, en châtaigne pour former les bois : ce qui suppose une terre plus ou moins préparée. La sémination est un semis naturel, par lequel la nature reproduit les arbres des forêts & toutes les plantes champêtres. La terre est toute disposée à faire germer les graines quand elle contient assez d’humus ou de terre végétale, produit du débris d’autres végétaux. L’exposition favorable & l’influence des météores achèvent l’ouvrage de la végétation.

La sémination considérée dans chaque famille de plantes, que dis-je, dans chaque espèce & dans chaque individu, offre bien des réflexions à faire au philosophe, & des leçons à suivre par le cultivateur. La nature opère la reproduction des plantes sans le secours de l’homme. Celui-ci les multiplie, & n’obtient des succès qu’en ajoutant à ses soins les procédés de la nature. Cultivateurs intelligens, voyez, examinez comment telle graine se sème d’elle-même, à quelle profondeur & à quelle distance l’une de l’autre ; en quel terrain, à quelle exposition elle réussit mieux ; épiez le temps où la plante l’abandonne à la terre, & celui où elle germera de nouveau, l’intervalle vous indiquera combien de temps on peut conserver les semences ; calculez les jours & les mois ou les années qui s’écouleront avant qu’elles ne fructifient ou qu’elle ne reparoissent en graine ; apprenez à saisir le moment de la parfaite maturité ; (voyez ce mot, où, l’on explique le mécanisme de la chûte des fruits, &c.) c’est celui auquel un fruit parvenu à son point, se détache spontanément de l’arbre, où une capsule s’entr’ouvre & éclate, où la gousse & la silique se fendent ; où la baie se flétrit ; où des graines ailées, à plumes & à aigrettes, suivent l’impression & la direction du vent ; où celles qui sont hérissées s’accrochent & se laissent entraîner par ce qui les touche ; ou les glutineuses adhèrent aux corps qui les enlèvent ; où les pesantes s’enfoncent dans la terre ; où les légères suivent le cours des eaux ; où celles qui servent de nourriture vont subir une fermentation dans les entrailles des ani-