récolte y est levée, on se hâte de labourer, de semer & de herser. Le sarrasin ne demande plus à l’homme aucun secours jusqu’au moment de l’enlever de terre. Pour l’étendue d’un champ où l’on sème trois mesures de blé ou de seigle, une seule de sarrasin suffit. En général cette culture est traitée trop lestement. Il arrive souvent, lorsque l’on suit la première méthode, que l’on obtient une récolte des plus abondantes. Elle devient bien précieuse dans les pays élevés où l’on ne récolte qu’un peu de seigle & de pommes de terre. Le blé-noir converti en farine fournit presque tout le pain qu’on y mange. Je dirai à ces pauvres habitans, faites parquer vos troupeaux, votre bétail sur le champ qui doit, l’année suivante, produire votre seigle & votre sarrasin. Labourez-le profondément, & à mesure que les troupeaux en ont engraissé une place, renouvelez le même travail & le même parcage jusqu’au moment où le froid obligera de conduire les troupeaux dans un lieu moins élevé. Ce terrain se trouvera bien ameubli au temps des neiges & des glaces, & les gelées l’ameubliront encore mieux que les labourages. Soyez assuré qu’à moins que la saison suivante ne soit bouleversée, vous aurez une récolte abondante, dont le grain sera plus gros, plus multiplié & surtout mieux garni de farine ; car lorsque le grain est maigre, il ne contient presque que du son.
Il y a deux manières de récolter le blé-noir ; on le coupe à la faulx ou avec la faucille, on l’arrache à bras d’homme. La première est expéditive ; mais le coup de faulx fait tomber beaucoup de grains, attendu l’inégalité & la persévérance de la fleuraison ; une quantité est mûre tandis que l’autre ne l’est pas assez. À bras d’homme, si la terre est humide, comme elle l’est ordinairement en automne, époque de la récolte, lorsqu’on a semé après celle des blés, la plante s’égraine moins, si on a le soin de l’arracher après une légère pluie ; ou lorsqu’elle est encore chargée de rosée, ou enfin pendant les brouillards, si le pays y est sujet.
Si on attend pour le récolter que les feuilles soient tombées, que les tiges soient sèches, que toutes les fleurs soient passées & tous les grains mûrs, on perdra plus de la moitié de la récolte, parce que les graines tomberont, & le mal sera bien plus considérable si à cette époque il règne des vents impétueux ; c’est le meilleur grain que l’on perd. Lorsque les trois quarts des grains ont acquis une couleur brune, c’est le moment de mettre la faulx ou d’arracher.
Dès qu’il est coupé ou arraché, on le réunit en javelles que l’on dresse les unes contre, les autres, le grain en haut, & en leur donnant une base assez large pour résister aux coups de vent, & afin que l’air pénétrant entre les gerbes ou javelles, il les dessèche plus promptement.
Le sarrasin peut rester dans cet état une quinzaine de jours ; pendant ce temps le grain se nourrit encore d’un reste de sève, & le mûrit beaucoup mieux. Ceux qui ne veulent rien perdre, couvrent avec des draps, des toiles &c., les charrettes, & enveloppent la récolte aussitôt après qu’elle est coupée. C’est sur l’aire, près de la maison, qu’on la javelle, qu’on la fait sécher & qu’on la bat