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la sérosité du sang est ralentie ou interrompue dans le bonnet. Cette humeur n’ayant pas son cours ordinaire, surabonde dans le sang, s’épanche dans le corps, & cause un grand nombre de maladies qui ne sont que trop fréquentes parmi les bêtes à laine… Au contraire, si la boisson manquoit pendant trop long-temps, l’animal maigriroit, il s’affoibliroit & il tomberoit à la fin dans l’épuisement. L’on sait que, pour engraisser les moutons, on les fait boire souvent en leur donnant de bonnes nourritures. L’animal prend bientôt un embonpoint qui, avant été favorisé par une boisson abondante, est une vraie maladie dont il mourroit, si on ne le livroit pas assez tôt au boucher.

Il ne faut donc abreuver les bêtes à laine qu’avec circonspection, soit pour les maintenir en bonne santé, soit pour les guérir de la plupart de leurs maladies. Indépendamment des raisons que j’ai rapportées, & qui prouvent que la boisson trop fréquente leur est nuisible, il y a des faits avérés depuis long-temps & qui en sont aussi de bonnes preuves. On sait que les chèvres boivent peu. Le cerf & le chevreuil boivent rarement, & peut-être point du tout dans certains temps. Les pacos, que l’on appelle aussi brebis du Pérou, parce qu’ils ont des rapports à nos brebis, peuvent se passer de boire pendant quatre à cinq jours, quoiqu’ils habitent un pays chaud, & qu’ils fatiguent en servant de bêtes de somme. Les chameaux, les dromadaires, qui sont aussi des animaux ruminans, fatiguent encore plus que les pacos, car ils parcourent un grand espace de chemin chaque jour avec une très-grosse charge ; ils traversent des déserts brûlans, qui ne produisent point d’herbes, parce qu’ils manquent d’eau & même d’humidité. Les chameaux sont réduits à une nourriture sèche, & entièrement privés d’eau dans des voyages qui durent ordinairement cinq jours, souvent dix, & quelquefois quinze. On a toujours admiré la merveilleuse propriété de ces animaux qui peuvent se passer d’eau pendant si longtemps. J’ai éprouvé par des expériences suivies, que nos bêtes à laine peuvent rester plus long-temps sans boire, & sans que leur appétit diminue, même lorsqu’elles ne vivent que de paille & de foin, sans sortir de l’étable. La plupart des bergers croient qu’il ne faut pas abreuver les bêtes à laine tous les jours ; mais leur pratique varient beaucoup sur le nombre des jours qu’il leur font passer sans boire. Après tant de preuves de différens genres, on ne peut pas douter que l’abondance d’eau prise en boisson ou avec les herbes mouillées, ou d’une consistance trop aqueuse, ne soit contraire au tempérament des bêtes à laine, & la cause de la plupart de leurs maladies. On reconnoît sensiblement les effets de cette cause dans les hydatides ou vésicules pleines d’eau, qui sont très-fréquentes dans les bêtes à laine ; elles adhèrent aux viscères ; j’en ai trouvé souvent dans la tête au milieu du cerveau, où elles grossissent au point de le comprimer & de le réduire à un très-petit volume ; j’en ai vu qui occupoient les trois quarts de la capacité du crâne, & qui avoient causé la mort de l’animal, après l’avoir fait languir pendant très-longtemps. Ces hydatides