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avaler. Cette pelote passé dans l’œsophage & tombe dans le premier estomac qui est la panse. Ce viscère est fort ample. Il se remplit peu à peu d’herbes grossièrement broyées, qui forment une masse compacte. Lorsque l’animal veut ruminer, il faut qu’une portion de cette masse rentre dans l’œsophage & revienne à la bouche. La panse peut se resserrer, se contracter, comprimer la masse d’herbe qu’elle contient & la presser contre l’orifice de l’œsophage. Mais comment une portion de cette masse s’en séparera-t-elle ? comment pourra-t-elle glisser dans l’œsophage, s’il n’y a des organes particuliers pour opérer cette déglutition renversée ?

Je donne le nom de déglutition à cette opération qui se fait dans le premier estomac des animaux ruminans, parce qu’elle peut être comparée à celle qui est commune à sous les animaux, & qui se fait à l’autre bout de l’œsophage, au fond de la bouche, dans le pharinx. Il faut que l’aliment soit arrondi dans la bouche, & humecté par la salive pour être avalé : de même ne faut-il pas qu’une portion de la masse d’herbes contenues dans la panse, soit détachée, arrondie & humectée par quelque agent particulier, avant d’entrer dans l’œsophage pour revenir à la bouche ? Le viscère qu’on appelle le bonnet, est l’agent qui fait toutes ces fonctions : ce qui me les a fait reconnoître, c’est que j’ai vu ce viscère en différens états de relâchement & de contraction.

On ne l’a jamais décrit ni représenté que comme une poche dilatée, dont les parois internes forment des reliefs semblables aux mailles d’un réseau ; je l’ai moi-même vu & décrit en cet état dans quinze espèces d’animaux ruminans. Mais m’étant appliqué depuis à faire des recherches, particulières sur la conformation des bêtes à laine, & sur les causes de leurs maladies, observant souvent leurs viscères, j’ai vu le bonnet en contraction.

Dans cet état il a peu de volume : le diamètre de sa cavité n’est guères que d’un pouce : en l’ouvrant j’y ai trouvé une pelote d’herbes semblables à celles de la masse qui étoit dans la panse ; cette pelote avoit environ un pouce de diamètre, & remplissoit toute la concavité du bonnet. Après avoir enlevé toute la pelote, j’ai vu les parois intérieures de ce viscère, & je ne les ai pas reconnues ; au lieu d’un réseau à larges mailles, il n’y avoit que de petites sinuosités, dirigées irrégulièrement ; en sondant ces sinuosités, j’ai vu qu’elles avoient de la profondeur & qu’elles contenoient de la sérosité. Pendant que je faisois ces observations, le bonnet se relâcha en se refroidissant ; les sinuosités s’agrandirent, & elles prirent sous mes yeux la figure des mailles d’un réseau, telles qu’on les voit sur les parois de ce viscère lorsqu’il n’est pas en contraction. Alors la sérosité disparut ; je resserrai les mailles du réseau pour leur faire prendre leur première forme, & à l’instant je vis la sérosité suinter & même couler. Je réitérai cette compression, & la sérosité reparut à chaque fois ; elle étoit contenue dans l’épaisseur du viscère, comme dans une éponge.

Cette observation me rappela celle que j’avois faite quatorze ans auparavant sur le chameau & sur le dromadaire, dans lesquels j’ai trouvé