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Mais dans les provinces du nord & du centre du royaume, une seule pépinière suffit, à moins que la distance pour le transport des arbres ne soit très-considérable, ce qui multiplieroit beaucoup les frais. Afin de les diminuer, on choisira, autant que faire se pourra, son placement dans le centre de la consommation.

L’établissement & l’entretien d’une pépinière supposent une dépense considérable. 1°. La location du sol ; 2°. son défoncement & sa première plantation en pourrette ; 3°. l’achat de ces pourrettes ; 4°. les gages d’un jardinier & de ses manœuvres ; 5°. l’achat des outils ; 6°. les frais pour l’enlèvement des arbres, quand ils sont en état d’être replantés ; 7°. enfin les honoraires d’un directeur, si dans la province on ne trouve pas un citoyen assez patriote pour s’en charger sans espérance d’émolumens ; mais on ne peut pas le supposer. Il faut un directeur pour surveiller les jardiniers, ordonner & guider leurs travaux. Si le jardinier en chef est maître absolu, tout ira mal, tout sera négligé ; parce qu’il lui importe peu que l’établissement prospère jusqu’à un certain point, pourvu qu’il touche régulièrement ses gages. En outre, sans cette inspection, il vendra plus d’arbres en cachette, qu’il n’en livrera pour les routes. Il arrivera encore qu’une grande partie du sol sera sacrifiée pour son jardinage, & sous le prétexte de ses besoins ; que tout son temps & celui de ses manœuvres sera employé à la culture des légumes dont il trouvera un bon débit. Je parle d’après l’expérience. Une Pépinière plantée ainsi qu’il a été dit dans cet article, & d’une étendue de vingt arpens, peut annuellement fournir entre six à sept mille pieds d’arbres. Le plus bas qu’on peut estimer le prix d’un arbre qui est resté pendant huit à neuf ans dans une pépinière, est au moins trente sous. Cette donnée servira pour calculer le produit avec la dépense, & juger d’après cette comparaison, s’il est plus avantageux d’entretenir une pépinière, ou de passer un compromis avec un pépiniériste. On est assuré de trouver sans cesse dans un tel établissement de beaux arbres, s’ils ont été bien conduits ; de les avoir avec toutes leurs racines, si on les a enlevés de terre avec les précautions convenables, & s’ils sont plantés avec soin.

Si l’on prend le parti de traiter avec un pépiniériste, on court grand risque d’être trompé, à moins qu’on ne stipule pour base fondamentale dans le traité fait avec lui ; 1°. qu’il reste responsable, jusqu’à la fin de la troisième année, de la reprise des arbres par lui fournis ; 2°. que lors de la livraison il ne lui sera payé que les deux tiers de la somme, & que l’autre tiers répond des arbres à remplacer ; 3°. enfin l’espèce de chaque arbre, ainsi que la quantité, seront spécifiées, de même que la hauteur des tiges, & leur circonférence vers le collet des racines. Sans ces précautions on sera trompé, tant sur l’espèce que sur la valeur. Il faudra donc vérifier chaque arbre avant de le planter, & sans cesse avoir des difficultés avec le prifataire, lorsque l’arbre ne fera pas de recette. De tels arbres, supposés bons & recevables, coûteront beaucoup plus en totalité que ceux que l’on aura tirés de la pépinière provinciale, toujours