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aux fermiers & non à l’administration à y veiller. Le point essentiel est d’examiner l’espèce d’arbre qui convient le mieux au pays, & où les habitans sont certains d’avoir un débouché assuré de leurs produits. Une fois qu’ils se seront habitués à ce genre de ferme, on la verra insensiblement augmenter de valeur jusqu’à ce qu’elle soit parvenue au point où elle doit monter. La concurrence fixera le prix qui convient.

Si on trouve cette idée mesquine & au-dessous de la dignité d’une administration ou des états provinciaux, il faut planter & céder aux riverains la propriété des arbres, dans ce cas plantés dans les fossés, à la charge par eux d’entretenir les terrasses & de replanter les arbres qui mourront après la troisième année. Si on a été judicieux dans le choix de l’espèce d’arbres, si la plantation a été bien faite, il n’en est pas un d’eux qui ne se soumette avec le plus grand empressement à la loi qu’on leur prescrira. Il est à présumer qu’à l’avenir on n’usurpera plus le sol des propriétaires sans le payer. Celui qui a été usurpé jusqu’à ce jour, est aujourd’hui, par les malheurs du temps, regardé comme de bonne prise, & on ne reviendra pas en récrimination ; il est donc réellement aujourd’hui & de fait patrimoine public, dont les administrations provinciales peuvent disposer, & disposer de manière que la confection & l’entretien des routes, payées indistinctement par tous les habitans de la province, soient le moins onéreux possible. En un mot, le bénéfice des plantations concourt au soulagement de l’impôt que paieront tous les ordres par rapport aux grandes routes.

Si au contraire l’administration cède les arbres aux propriétaires riverains, on est assuré d’avance qu’ils seront entretenus avec le plus grand soin. L’idée de la propriété exclusive rend soigneux & vigilant, & l’intérêt devient le grand moteur de leur conservation. — C’est actuellement aux administrations à se décider sur le parti qu’elles doiyent prendre.

III. Comment pourvoir aux plantations ? Il y a deux manières. La première, d’établir des pépinières provinciales ; la seconde est de passer un compromis avec un marchand d’arbres, dans lequel on spécifie les espèces d’arbres, la hauteur & la grosseur de leurs troncs, pour qu’ils soient de recette ; les frais de transport sur les lieux de la plantation, enfin de l’entretien pendant les trois premières années. Chacune de ces deux méthodes a ses avantages & ses inconvéniens.

Dans les pépinières provinciales, on est assuré, si elles sont bien conduites, de trouver la quantité & la qualité d’arbres convenables aux différentes natures de sol & de climats de la province. Les arbres, par exemple, qui conviennent aux routes des Cévennes & du Vélai, réussiroient bien peu sur celles des parties basses du Languedoc. Il en est ainsi en général pour les autres provinces du royaume. Il faudroit donc qu’il y eût autant de pépinières qu’il y a de climats vraiment différens dans une province, c’est-à dire deux, si on trouve une disproportion aussi marquée entre les climats, que l’on vient de l’indiquer. —