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pourroit-elle l’être dans le systême actuel des plantations ? Les arbres sont à neuf pieds de distance dans les champs, les fossés ont six pieds d’ouverture ; voilà déjà un espace de quinze pieds, & un arbre qui porte trente pieds d’envergure commence à être un bel arbre, & son ombre ne couvre pas encore même le bord de la route de 60 pieds de largeur ; ces arbres n’ont d’autre mérite, relativement à la voie publique, que de flatter l’œil par leur verdure ; car leur ombre, depuis dix heures du matin jusqu’à deux de l’après-midi, devient inutile aux voyageurs, à moins qu’ils ne marchent dans les fossés : cependant c’est dans le plus gros du jour qu’elle leur feroit le plus de plaisir. Admettons pour un instant que cette ombre entretienne l’humidité sur les routes dans nos provinces du nord. Attribuera-t-on cet effet aux ormeaux qui les bordent ? Mais ces arbres ressemblent plutôt à des roseaux, à des bamboux, à des asperges, qu’à des arbres destinés à ombrager les chemins. Ceux qui sont chargés de leur entretien, aiment les fagots, & sous le spécieux prétexte de la conservation de la route, ils les émondent, les élaguent & ne leur laissent qu’un mouchet de petites branches au sommet du tronc. Si les routes sont boueuses dans ces provinces, en jettera-t-on la faute sur ces pauvres arbres ?

Il seroit plus naturel de dire que l’humidité tient au climat. Je suis d’un avis bien opposé, & je ne crains pas d’avancer, d’après l’expérience, que les arbres, attirent un courant d’air, & que ce courant accélère l’évaporation. Il suffit que le tronc de ces arbres soit dépourvu de branches jusqu’à la hauteur de douze à quinze pieds. Leur partie supérieure oppose jusqu’à un certain point un obstacle à la force du vent, & le contraint de se porter en dessous où il trouve une libre issue. Que l’on examine ce fait sans prévention, & on se convaincra de sa vérité.

Il ne s’agit pas de parcourir les extrêmes & de supposer que les branches des arbres forment un berceau qui couvre tout le chemin.

Il est clair que dans cette supposition, cette ombre totale s’opposeroit à l’évaporation & seroit très-préjudiciable aux routes, sur-tout dans les provinces du nord, tandis qu’elle seroit avantageuse à celles de la plupart de nos provinces du centre du royaume & à toutes celles du midi, où les pluies sont excessivement rares. Dans le premier cas, qu’on s’en rapporte aux émondeurs, & on sera assuré que le mal ne sera que trop tôt détruit ; dans le second, il est aisé d’y remédier en abattant la sommité des branches qui se jettent trop sur la route ; dans le troisième, au contraire, il faut forcer l’arbre à jeter toutes ses branches & à une hauteur proportionnée sur la route.

C’est ainsi que les arbres, simplement considérés comme arbres, rendront la voie publique agréable sans nuire à son entretien. Nous examinerons bientôt s’il ne seroit pas possible de suppléer les arbres stériles par des arbres productifs.

II. Par qui doit être faite la plantation ? Par la partie de l’administration chargée de la confection des chemins. Il y a deux manières d’en-