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rend pas l’eau dure, à la manière des sels vitriolique, comme feroit la sélénite qui, mêlée à l’eau, empêche que rien y fermente, y cuise, & fait qu’elle durcit, pétrifie ou encroûte tout ce qu’elle touche : l’eau de chaux au contraire, adoucit & conserve ; les tanneurs en font un grand usage.

La façon de travailler, selon cette méthode, consiste à faire tremper les javelles que l’on veut rouir, dans un cuvier ou une fosse, où il y aura de l’eau de chaux. On pourroit aussi en mettre en différens intervalles, ou en arroser les masses qui seroient trop long-temps en travail de fermentation. Si ce procédé retarde un peu la fin du rouissage, on en est amplement dédommagé par la certitude d’en faire toutes les manœuvres sans danger. L’addition de la potasse à la chaux, en exalte encore la vertu dissolvante & antiseptique.


Section II.

Du rouissage à sec qui supprime tous les inconvénient du rouissage à l’eau, & le supplée entièrement.

Si ce procédé a quelque mérite aux yeux de la société royale d’agriculture, elle doit le considérer comme son propre ouvrage, puisque c’est la dernière partie de son programme, qui m’a fait naître l’idée de l’exécuter, & de reprendre un travail dont je m’étois déja occupé. Par ce moyen, on évitera toute mauvaise odeur du chanvre & ses suites.

Cette méthode de rouir est bien simple & à la portée du cultivateur le moins intelligent, pourvu qu’il soit accoutumé à connoître les différens degrés du rouissage du chanvre, parce que la perfection des procédés de l’agriculture & même des arts tient peu à la théorie, mais à l’habitude & à la pratique : on ne doit donc pas être surpris si l’on ne réussit pas complètement dans les premiers essais du procédé que je vais indiquer. Il consiste à renfermer dans une fosse creusée en terre, la quantité de javelles de chanvre que l’on veut rouir, & de les recouvrir d’un pied de terre ; le chanvre y subit une sorte de macération, qui est une véritable fermentation. La destruction entière du végétal, & sa conversion en fumier auroit lieu, si comme dans le rouissage à l’eau, on l’y laissoit trop long-temps. Il est donc nécessaire d’arrêter cette fermentation au degré où la filasse se détache facilement de la chennevotte, c’est-à dire, quand il est au vrai point d’un bon rouissage.

Ce procédé exige quelques détails. Les fosses peuvent varier de grandeur & de largeur : j’ai cependant lieu de penser que si elles étoient très-larges, il faudroit les recouvrir d’une couche de terre de plus d’un pied d’épaisseur, afin qu’il y eût une plus grande circulation d’air & de gaz dans son intérieur. Il faut encore s’opposer aux éboulemens de la terre entre les javelles. Si la couche est trop sèche ou trop superficielle, cette couverture sera arrosée, ainsi que les javelles, sur-tout si les pieds de chanvre sont arrachés depuis plusieurs jours, & en raison de leur siccité. Cette manière de rouir permet d’établir la fosse près d’un endroit où soit l’eau nécessaire au dernier lavage.