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la quantité de chanvre que pourroit recevoir telle rivière à telle élévation de ses eaux ? Il en seroit de même pour les étangs, la contenue en seroit désignée, & l’on exigeroit la même distance des habitations qui est prescrite pour les marres & pour les routoirs artificiels. Enfin ne faudroit-il pas une disposition pour l’emploi des ruisseaux, des décharges d’étangs, des routoirs communaux, dont la police appartiendroit à chaque Bailliage.

Ce ne sera qu’en étendant l’infusion du chanvre récent dans une grande masse d’eau, ou en la renouvelant souvent, que l’on préviendra l’odeur désagréable & les exhalaisons dangereuses, du chanvre dans cet état. Cependant on ne pourra anéantir son gaz volatil, son esprit recteur propre, qui est incoercible, qui peut à peine contracter une adhérence momentanée avec l’eau, dans laquelle la plante macère. Ce n’est pas d’ailleurs cette vapeur, qui, lorsque la plante macère plongée dans l’eau, est moins forte qu’elle ne l’étoit lorsque le chanvre végétoit, ce n’est pas, dis-je, cette vapeur qui doit nous occuper à présent, mais bien celle que la fermentation y réunit. Dans l’état actuel, les effets véritablement nuisibles du rouissage, seroient si les hommes ou les animaux buvoient de cette eau ; certes, l’on n’en boiroit qu’en supposant qu’elle conservât sa limpidité, qu’elle fût sans goût, sans odeur & sans couleur. Les auteurs conviennent en effet que c’est un poison violent, contre lequel on n’a pas trouvé de remède ; cependant réfléchissant sur la vertu & la grande efficacité du vinaigre contre l’abus des narcotiques, & comme correctif de beaucoup d’autres substances âcres & virulentes, je voulus faire boire de cette eau à un âne, qui, de tous les animaux, est celui qui répugne le moins au chanvre ; j’y mêlai du vinaigre, & l’animal n’éprouva aucun mauvais effet de cette infusion assez chargée.

Ce n’est pas seulement en buvant de cette eau près des routoirs qu’on peut en être affecté, mais même l’eau de tous les puits voisins où elle a pu transsuder ; quelque clarifiée que soit cette eau, elle n’en est pas moins suspecte. On cite une année où une épidémie ravagea Paris, & dont la cause parut être les eaux basses de la Seine, dans lesquelles on avoit mis beaucoup de chanvre à rouir au dessus de la ville.

Passons à un examen plus suivi de cette partie du programme. Sans exclure les considérations que l’on doit avoir pour la virulence & les autres effets nuisibles de la plante, soit dans ses principes volatils, soit par ceux qui sont mêlés à l’eau, rendons compte de ce que la fermentation dans le rouissage change ou ajoute aux uns & aux autres ; enfin, passons à la recherche des moyens capables d’empêcher ou de corriger efficacement ses effets dangereux ou fâcheux.


Section Premier I.

Expériences sur divers moyens de prévenir l’odeur désagréable, & les mauvais effets du rouissage à l’eau.

On a vu que la fermentation avoit changé ou détruit la qualité inébriante