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d’eau. Le fond doit en être pavé, avoir une pente du côté de la décharge, qui pour le mieux, doit être double, & pouvoir se faire à la surface & dans son fond, suivant le besoin ; les parois seront en talus assez droits, pour que les ouvriers pussent en approcher avec facilité, & n’être pas obligés de se mettre à l’eau pour manœuvrer, ou raccommoder le tas, lorsque le besoin l’exige. Si ces parois ne sont pas construites en pierre, il faut au moins leur donner une certaine épaisseur en argile fortement corroyée.

La vase qui s’enlève chaque année du fond du routoir, fournit un excellent engrais aux terres, à moins qu’on n’aime mieux la conserver, à l’exemple des Hollandois, pour le lin, ou la mettre sur la surface des masses de chanvre. Cette terre devient un levain qui rend la couche superficielle aussi avancée dans son rouissage que celle du centre ; ce qui est très-avantageux, lorsqu’on ne sépare pas les qualités.

S’il vous est permis de rouir dans un ruisseau qui n’est pas poissonneux, si les employés de la Maîtrise des Eaux & Forêts, vous permettent l’approche des grandes rivières, craignez les inondations subites, & surtout les cordes de tirage des bateaux, & la malignité des conducteurs ; alors assujettissez vos masses comme il a été dit dans la première partie.

Les javelles doivent être rangées dans le routoir, & alternées sur quatre faces, de sorte que les racines & les têtes se joignent & se touchent tout autour. Le chanvre non chargé s’élève sur la surface de l’eau, & la partie supérieure de la masse ne rouit pas : on la charge, elle s’enfonce, & reste plongée sous l’eau. À cette utilité s’en réunit une autre ; la paille, les feuilles, les perches, les pierres dont on recouvre la superficie, retiennent & concentrent en partie les vapeurs & les différens fluides gazeux, que la fermentation développe, ce qui égalise les progrès de la masse.

On a prétendu que le chanvre ne devoit pas toucher le fond du routoir. Cette observation qui est de rigueur pour le lin, n’est pas nécessaire pour le chanvre. Je pense, au contraire, que les javelles du fond n’éprouvent jamais la même ni une aussi bonne fermentation que celle des autres parties. Elles ne jouissent pas de l’avantage des produits gazeux qui traversent celles qui sont placées au-dessus d’elles, & l’eau du fond est plus froide que celle du centre & de la superficie, Il est donc avantageux pour elles de jouir du bénéfice des vapeurs de la vase, & de ne pas perdre si promptement celles qui s’échappent en dessous pour venir former des bulles vers les surfaces latérales.

Laver exactement, & s’il se peut à grande eau courante, les javelles à mesure qu’on les tire du routoir ; les laver droites & non couchées, c’est une précaution très-importante. Ce lavage enlève une vase, un limon, que les eaux, même courantes, déposent sur chaque tige ; il fait corps avec le gluten, lequel, quoique dissous, est cependant encore adhérent, & qu’il faut également faire disparoître ; sans cette précaution, le chanvre étant séché sera, moins blanc & se teillera moins bien, quoiqu’il ait été parfaitement roui ;