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tendus caustiques par l’eau de chaux, l’usage des savons, des acides, du lait, du son, ne seroient-elles pas bien abrégées, bien simplifiées &plus commodes, si l’on blanchissoit, ou au moins si l’on commençoit le blanchissage par la filasse ? il ne resteroit plus qu’à enlever l’apprêt ou parou mis aux toiles lorsqu’on les a fabriquées, & à perfectionner leur blanc ; ce qui n’énerveroit pas les toiles avant l’usage qu’on en doit faire.

Le Prince de Saint-Séver, si zélé, si ardent protecteur des arts à Naples, étoit parvenu par de pareils travaux, à donner à la filasse la blancheur & l’éclat de la soie. Dëcrue-t-on l’étoffe ou la soie dont elle doit être fabriquée ? Les déchets indispensables de la filasse ainsi blanchie sont moins précieux que ceux de la soie qui a reçu ses préparations avant d’être ouvrée.

Si je ne passe pas sous silence une façon de rouir que j’ai exécutée par l’acide sulphureux volatil, c’est uniquement pour mieux faire ressortir la théorie du rouissage ; car ce procédé, j’en conviens, n’est ni simple ni commode en grand, quoiqu’il soit peu dispendieux.

Connoissant la propriété qu’ont les acides minéraux dulcifiés, de dissoudre la substance gommo-résineuse, j’ai appliqué ces mêmes acides adoucis par l’eau, le vinaigre & les sels saccharins acides, extraits des végétaux, comme sont le tartre, le sel d’oreille, d’alléluïa, & leurs dissolutions ; je les ai appliqués, dis-je, à plusieurs tiges de chanvre non rouies, soit par la voie de l’immersion ou de la macération, soit en ébullition ou en vapeurs, & leur rouissage a eu lieu en peu d’heures. J’ai disposé sur des perches, dans une chambre closes des javelles de chanvre récemment, cueillies, encore un peu fraîches, ou humides, ou humectées, & je les ai traitées avec le soufre brûlant comme les teinturiers traitent les soies qu’ils veulent blanchir par ce moyen. Le décruage du chanvre a eu lieu rapidement, ou du moins la dissolution du gluten a été faite suffisamment, pour que le chanvre pût être teillé sans autres préparations ; sa filasse étoit même plus blanche que celle qui a été obtenue par un rouissage à l’eau courante.

Ce moyen pourroit cependant avoir une application plus économique, st les chènevières avoient dans leur voisinage des sels comme ceux de la Solfatara ; mais il n’en existe que quelques-uns en France, auxquels M : Chaptal vient d’en joindre un nouveau qu’il a observé dans le voisinage dé Montpellier.

Le lait écrémé que l’on emploie dans les blanchisseries des toiles & des fils, rentre encore dans cette classe, car il ne blanchit pas comme lait, mais après avoir aigri ; son acide, que l’on sait être très-actif, agit & dissout la partie colorante résineuse des toiles qui n’avoit pas encore entièrement cédé aux différentes lessives. Le bel apprêt que procure le lait aux toiles, ne peut pas être remplacé par l’emploi de l’huile de vitriol, qu’on lui substitue dans plusieurs blanchisseries ; d’ailleurs l’esprit ardent que contient ce lait, aide aussi au décreusage.