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dité insupportable qui s’étend au loin i & elle y porte les maladies ou la mort. Si l’eau du routoir est stagnante, basse, poissonneuse, s’il fait chaud, le poisson périt. De-là les loix prohibitives du rouissage dans les rivières, dans les étangs, de sorte que cette opération, chaque jour plus multipliée, ne s’exécute dans l’eau courante, qu’en payant le tribut aux employés du tribunal qui en connoît, ou en s’exposant à des amendes, à des vexations, ou à défaut, il faut infecter l’air & les habitans voisins des routoirs, le tout pour ne pas incommoder les poissons.

Qui ne reconnoît au simple énoncé de ces phénomènes, qu’ils sont produits par la fermentation dont ils subissent les loix ? Cette fermentation est retardée ou avancée par le froid & le chaud ; plus forte & plus prompte dans les retenues d’eau où elle stagne ; longue & moins avantageuse dans les ruisseaux & les rivières ; difficile dans les cascades bouillonnantes, comme dans l’eau bouillante… Les grandes masses de chanvre sont bien plutôt rouies que les petites masses ; & quant à celles placées dans les eaux stagnantes, on éprouve, lorsqu’on les retire, une chaleur sensiblement plus forte que celle de l’eau. Ce sont bien là les mêmes phénomènes de toutes les fermentations.

Quel en est le sujet ? quelle est la substance qui la subit ? il ne peut y en avoir qu’une ; c’est le gluten dont l’existence a été démontrée. Il s’humecte, il s’ammollit, s’enfle, comme tout mucilage qui forme beaucoup de volume avec peu de matières. Si cette matière étoit entraînée à mesure qu’elle se dissout, il n’y auroit pas de fermentation. C’est la raison du peu de perfection que prend le rouissage dans les eaux trop courantes ; cependant à cet inconvénient s’oppose la construction des tas, qui sont alors plus serrés & plus chargés que ceux des eaux dormantes. La partie du gluten, encore enclavée dans l’écorce qui la distend de toute part, & l’attaque dans tous les sens, subit la fermentation, & produit les différens gaz dont on a parlé, suivant leurs époques & les degrés de cette fermentation. S’il n’y avoit qu’une dissolution sans fermentation, chaque plante, isolément, conservant une partie plus ou moins considérable de son enduit gommeux, retirée de l’eau, paroissant rouie, ne fourniroit sa filasse que difficilement après sa dessiccation, parce que le gluten qui n’auroit pas été détruit reprendroit en partie son adhésion, mais l’on sait que tout mucilage qui a fermenté perd sa luminosité, & devient acide avant de pourrir ; que dans cet état, il est un menstrue plus avantageux pour les résines. Les seules sommités de chanvre sont encore glutineuses, lorsque le rouissage est parfait pour les tiges. Cette partie est peut-être plus résineuse ; elle est d’ailleurs placée plus loin du centre de la fermentation, elle a moins éprouvé le mouvement intestin qui atténue & mixtionne intimement les principes

Ces têtes ne sont pas la partie la plus estimée du chanvre, de même que les racines ; elles donnent de la filasse dure qui est autant détruite que travaillée par le séranceur. Ce sont ces observations qui ont sans doute engagé les Hollandois à employer pour le rouissage de leurs lins, des couches de fougères entre celles de lin, afin d’accroître la fermenta-