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Il existe une seconde espèce de rosée ; elle est, quant au fond, la même que celle dont on vient de parler, mais elle a éprouvé d’autres modifications. C’est la rosée aérienne, ou l’humidité de l’air, qui, dans plusieurs circonstances, retombe sur les plantes. L’air a la faculté de dissoudre une certaine quantité de fluide, & c’est le moyen que la nature a employé pour soutenir l’humidité dans l’atmosphère. Supposons un beau jour, un ciel bien pur, bien serein, tout à-coup le vent change ; celui du sud, par exemple, gagne : tout-à-coup on voit paroître de petits nuages, ils augmentent peu à peu & visiblement de volume. Les habitans de l’intérieur du royaume ne peuvent pas dire que ces nuages ont été chariés de la méditerranée jusqu’à eux, & qu’ils ont suivi la direction du vent du sud. Cependant ces nuages sont sur leurs têtes ; comment s’y forment-ils donc ? Il est de fait que plus l’air est chaud, & plus il tient de particules aqueuses en dissolution ; il est de fait que si dans la région supérieure règne un vent plus froid que dans l’inférieure, le froid condense l’humidité, agit sur l’humidité dissoute, en rapproche les parties qui cessent d’être dissoutes. Alors ne faisant plus équilibre avec l’air, elles tombent en pluies & en brumes plus ou moins fortes, suivant qu’aura eu lieu le contact de l’air chaud avec l’air froid. Un exemple va rendre plus sensible cette théorie : ayez de l’eau bouillante, jetez-y une quantité proportionnée de crème de tartre ; elle sera dissoute par cette eau, & on n’en verra aucune partie se précipiter au fond du vase, à moins qu’on n’ait donné à cette eau plus de sel qu’elle ne pouvoit en dissoudre ; mais à mesure que cette eau perdra de sa chaleur, on verra la crème de tartre se précipiter, & l’eau l’abandonner presqu’entièrement.

C’est ainsi que se rassemblent les nuages que nous voyons se former sur nos têtes. L’eau étoit dissoute dans l’air, & sa dissolution ne troubloit point la transparence de l’air ; mais une fois que le froid de la région supérieure a diminué la dissolution, les globules se sont rapprochés, les nuages se sont établis d’une manière isolée : mais comme deux gouttes d’eau ne peuvent pas exister l’une près de l’autre sans s’attirer, & se confondre ensemble, par la même raison, ces petits nuages s’attirent & forment ces gros nuages qui, pendant l’été, semblent être stationnaires sur l’horizon, & qui sont souvent les avant-coureurs de la grêle & des orages. Cependant, dans ces gros nuages, l’eau y est encore tenue en dissolution, attendu la chaleur de la saison ; mais lorsque les parties aqueuses, poussées & serrées par les vents qui se contrarient sont très rapprochées, alors tombent ces larges gouttes d’eau, même sensiblement chaudes, par lesquelles commencent toujours les grosses pluies d’été. En hiver, on ne voit pas de nuages ballonnés, semblables à un voile uniformément étendu ; ils couvrent l’horizon, parce que le peu de chaleur de la saison ne permet pas à l’air de dissoudre beaucoup d’eau ; de là l’origine de ces petites pluies, & de longue durée, qui rendent les hivers si pourris.

La rosée aérienne diffère par sa pureté de la rosée terrestre, quoique toutes deux se précipitent sur les