Les rosées du printemps sont plus aqueuses, si je puis m’exprimer ainsi, que celles de l’été, par la raison que l’on vient de donner, & celles de l’été plus remplies de parties huileuses volatiles, d’air inflammable & d’air fixe, attendu que la très-grande chaleur accélère la décomposition & la putréfaction des corps, & rend leurs parties huileuses plus volatiles elle sublime avec plus d’aisance celles qui l’étoient moins. Tel est l’effet de la chaleur sur tous les fluides. Pour se convaincre de leur différence, il suffit d’exposer des toiles suspendues à la rosée, de les exprimer lorsqu’elles en seront bien imbibées, & on verra que l’eau que l’on en obtient, 1°. n’est pas claire ; 2°, qu’elle dépose beaucoup ; 3°. que ce dépôt chimiquement analysé ne donne pas les mêmes résultats. On ne peut pas comparer ces résultats d’une province à une autre ; par exemple, il est très-prouvé que les rosées dans les cantons voisins de la mer, sont très différentes de celles des environs des étangs dans l’intérieur dès terres ; celles-ci se rapprochent de celles des marais, & ont peu d’analogie avec les rosées des plages & des champs qui bordent les grands lacs, les rivières dont le cours est rapide. Ces lignes de démarcation existent, quoiqu’il soit très-difficile de les spécifier exactement. Il en est ainsi des rosées des plaines plus ou moins sèches, comparées à celles des coteaux, des montagnes, &c. Toutes ont un caractère particulier. À coup sûr les rosées qui s’élèvent des marais, des cloaques, &c. contiennent plus d’air inflammable & fixe (consultez ce mot) que celles qui s’élèvent de la craie de la Champagne pouilleuse ou des sables du Périgord noir, &c. J’insiste sur ces différences, non-seulement des lieux, mais encore des saisons, dans les rosées, & bientôt on verra pourquoi.
Les anciens on dit que la rosée étoit la fille de la lune & de l’air. La lune n’influe pas ici. Qu’elle soit dessus ou dessous notre horison, la rosée n’en est pas moins abondante ou plus rare, & on en rassemble autant en nouvelle qu’en pleine lune, si l’état de l’atmosphère est le même. Avant que la clarté du flambeau de la véritable chimie dissipât les ténèbres dont les alchimistes savoient couvrir leurs opérations, la rosée jouoit un grand rôle & servoit de base à tous leurs arcanes, à toutes leurs préparations. D’après leurs idées, tendant sans cesse vers le merveilleux, on s’étoit figuré qu’elle contribuoit singulièrement à décolorer la cire, au blanchiment des toiles, de l’ivoire, &c. Dans ces cas elle agit simplement comme eau qui mouille, qui pénètre ; la lumière du soleil fait le reste. L’homme peu instruit substitue sans cesse le merveilleux aux procédés les plus simples. Il lui semble que plus ils sont difficiles & compliqués, meilleurs ils deviennent.
D’après ce qui a été dit plus haut des différentes qualités des rosées, il est aisé de concevoir pourquoi dans tel canton, dans tel climat, elle devient si funeste aux troupeaux & au bétail qu’on a l’imprudence de laisser paître avant que la rosée soit entièrement dissipée. Le mal le plus ordinaire est un relâchement extrême ou une superpurgation qui se prolonge pendant plusieurs jours au grand détriment de l’animal. Il arrive assez souvent que l’animal enfle beaucoup, & que cette