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de la terre pendant la nuit. Si la fraîcheur est forte, elle se condense dans un point plus ou moins élevé ; mais si la chaleur de la région moyenne est en équilibre avec celle de la terre, alors il n’y a point de rosée sensible sur le sol, parce que les vapeurs ne trouvant aucun obstacle à leur ascension, se perdent dans le vague de l’air. Une expérience bien simple prouve que cette rosée s’élève de la terre. Il suffit de placer sur le sol un vase renversé, on trouvera le lendemain toutes les parois intérieures tapissées de gouttelettes. Si l’équilibre est entre la chaleur de la terre & de l’atmosphère, le dessus de ce vase ne sera pas mouillé, & il le sera si l’équilibre est rompu ; la rosée ne traversera pas de l’intérieur à l’extérieur de ce vase, mais son extérieur sera mouillé par l’attraction qu’il aura faite de la rosée qui l’avoisine, moins mouillé cependant que si ce vase avoit été de verre.

Ce phénomène paroîtra singulier ; il est cependant très-démontré par l’expérience de Mussembroek, vérifiée & répétée par M. de Fay. Ces deux physiciens ont observé que différens corps exposés à la même rosée s’en chargent très-différemment, les uns plus, les autres moins, quelques-uns point du tout. Les verres & les cristaux sont ceux qu’elle préfère à tous les autres ; elle ne touche point aux métaux. Il suffit de fixer ces deux extrêmes, & l’on peut laisser tout l’entre deux indéterminé. Les deux extrêmes sont si bien marqués, qu’un vase de cristal étant mis sur un plat d’argent qui le déborde tant qu’on voudra, le vase sera tout humecté de rosée, & les bords du plat resteront parfaitement secs.

Six livres de mercure ayant été mise» par M. de Fay dans un plat de porcelaine qui avoit des rebords exposés à l’air, la rosée couloit sur ces rebords comme de petits ruisseaux de liqueur, tandis qu’il n’y en avoit pas la moindre apparence sur la surface du mercure.

Le serein & la rosée terrestre sont la même chose, & je ne connois aucune eau aussi pénétrante que celle-ci. Le cuir des souliers sera plutôt percé par la rosée que si on plaçoit ce cuir dans l’eau pendant le même espace de temps. Il en est ainsi de la laine & de la soie. Cette humidité subtile arrête la transpiration ; de là cette multitude de maux qui en sont la suite.

Pourquoi les mois d’avril & de mai, suivant les climats, sont-ils plus abondans en rosée que les autres ? Pourquoi cette rosée est-elle différente de celle des autres mois ? Depuis la fin de l’automne jusqu’au retour du printemps, il est tombé une grande quantité de pluie, de neige, &c… ; la chaleur de dix degrés de la terre a très-peu fait évaporer d’humidité, dont la majeure partie a été condensée par la fraîcheur de la saison, & elle est retombée sur terre. Voilà donc une grande masse d’humidité qui tend à se sublimer, & qui n’attend que la réaction de la chaleur de l’atmosphère sur celle du sol ; elle se manifeste, & la rosée devient abondante. Elle l’est également pendant l’été, s’il survient quelques grosses pluies, & elle se soutient autant que dure l’humidité ; une fois dissipée, en tout ou en partie, la rosée locale diminue, mais elle peut être augmentée par les vapeurs que les vents charient avec eux, & dont l’air se sature quelquefois dans des distances très-éloignées.