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on les dispose tous comme les fils d’une toile qu’on veut fabriquer, c’tst-à-dire, un court, puis un long, puis un court, ainsi de suite. Tous les longs sont maintenus par le bout par deux morceaux de bois, l’un en dessus, l’autre en-dessous, & fortement attachés ensemble. Il en est ainsi du rang des plus courts. Juste dans le milieu des soutiens des deux rangs, est placée une corde qui passe par une poulie attachée au plancher, & chacune de ces cordes va correspondre à l’autre bout de la chambre, où se trouve l’autre extrémité des roseaux qui sont tous maintenus entre deux morceaux de bois & immobiles ; un enfant ou une femme tire une de ces cordes, tous les roseaux auxquels elle correspond sont soulevés, tandis que l’autre partie reste couchée sur terre ; alors une autre femme ou enfant passe entre les roseaux couchés & soulevés, qui ressemblent á la chaine d’une étoffe, une toile, &c., un morceau de roseau de la largeur de tous les roseaux réunis sur leur longueur, & ces roseaux de traverse forment la trame. Après que le premier est placé, on tire l’autre corde, le second rang se soulève, on place une nouvelle traverse, & ainsi de suite jusqu’à la fin.

Ces claies sont ensuite clouées de distance en distance, & les coups assez multipliés contre les chevrons des planchers ; enfin on les recouvre de plâtre à la manière ordinaire. Les plafonds ainsi préparés ont un très-grand avantage, ils ne se gercent & ne crevassent jamais ; le plâtre nourrit le roseau.

Il est bon d’observer que le roseau dépouillé de ses feuilles, conserve une écorce dure, luisante, polie, qui le préserve de l’humidité en empêchant qu’elle le pénètre ; de manière qu’il peut rester plusieurs années à l’air & à la pluie, sans éprouver presque aucune dégradation. Si on le tient dans un lieu sec, il se conserve autant qu’aucun autre bois. Le roseau jeté au feu, brûle fort mal ; il s’y consume plutôt qu’il n’y brûle.

Pour avoir ces roseaux dans leur vrai point de maturité, il ne faut les couper qu’après l’hiver. Si les gelées ont été fortes, toute la partie qui se sera trouvée herbacée à cette époque, périra & pourrira, l’autre au contraire en sera plus dure. Si on laisse ces roseaux sans les couper, ils poussent des rameaux de presque toutes leurs articulations, & les tiges ne s’élèvent guères plus qu’elles ne l’ont fait pendant les premières années. Il vaut beaucoup mieux les couper ras terre, tous les ans & à l’époque indiquée. C’est avec l’écorce lisse & polie de ces roseaux, que l’on fait tous les peignes qui servent à tisser les toiles, & on choisit de préférence celle des roseaux les plus gros, & les plus durs.

Cette plante talle beaucoup par ses tubercules ou mamelons. Après quatre ou cinq années, si le sol lui convient, elle occupe l’espace de 11 à 15 pieds en quarré. On s’en sert utilement sur le bords des rivières, des ruisseaux, pour en défendre les côtés contre l’impétuosité des eaux. Le torrent fait plier les tiges les unes sur les autres, & elles forment une espèce de toit sur lequel l’eau glisse. Cette plante aime les terreins forts afin de mieux cramponner ses racines ; s’il est légèrement humide, elle réussit à souhait.

Ces roseaux sont très-pittoresques près d’une pièce d’eau, près d’une cascade. Ses masses, ses groupes produisent un très-joli effet.