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rigoureux, & où ils cessent pour ainsi dire tout à coup, on respire alors une odeur fétide, parce que dans ce moment la putréfaction des substances animales & végétales, auparavant gelées, est singulièrement accélérée, & remplit l’air de miasmes, qui sont bientôt absorbés par l’étonnante végétation qui succède tout à coup aux froids les plus rigoureux. Ce qui arrive précipitamment dans le nord, s’opère sous nos yeux plus lentement. Le retour du printemps excite une chaleur douce ; la chaleur établit une fermentation modérée dans la terre, & de la chaleur & de la fermentation naît l’évaporation de l’air fixe & de l’huile éthérée (consultez ce mot) des corps qui se putréfient. La partie que les plantes n’absorbent pas par leur inspiration, se répand dans l’atmosphère ; mais bientôt rencontrée par la pluie, elle l’absorbe, elle se combine avec elle, & elle la rend à la terre qu’elle pénètre. C’est de cette circulation qu’est venu le proverbe, pluie d’avril, rosée de mai. À la végétation commençante il faut beaucoup de principes, & ils lui sont fournis par les pluies d’avril qui balaient l’atmosphère de ses impuretés. Les rosées de mai ramènent vers la terre les vapeurs qui s’en étoient élevées, & ces vapeurs sont déjà des composés savonneux qui forment la matière de la séve.

Il y a encore une autre manière de considérer les pluies d’avril. Elles agissent non-seulement par les principes terrestres qu’elles contiennent, mais encore comme eau. Les pluies d’hiver ont eu pendant ce long intervalle le temps de pénétrer dans l’intérieur de la terre, de manière que sa surface se trouve presque sèche. Cependant, c’est l’instant où l’eau devient indispensable pour la végétation, qui se ranime & qui en consomme une si grande quantité qu’on ne peut la fixer ; de là le proverbe qui dit que s’il pleuvait trente deux jours dans le mois d’avril, il n’y auroit pas trop d’eau, sur-tout dans les provinces du midi. Quoique cette métaphore soit un peu outrée, elle n’est pas moins vraie dans le fonds, & elle n’auroit pas passé en proverbe si elle n’étoit pas fondée sur la réalité.

Les pluies du printemps agissent donc, & comme dissolvant des principes répandus dans l’atmosphère, & comme eau qui dissout ceux renfermés dans la terre dont elle hâte la décomposition par la fermentation, & avec lesquels elle se combine ensuite pour former les matériaux de la séve.

On peut dire que les rosées de mai ne sont qu’une sublimation de l’eau de la terre, de l’air fixe & du principe éthéré ou esprit recteur, sortis par la transpiration des plantes. Les plantes en réabsorberont une partie, & l’autre, vaporisée & sublimée par le soleil, ira dans l’atmosphère former la matière des nuages, & celle des tonnerres ; l’huile éthérée n’est peut être que de l’air inflammable.

Il n’est pas rare de voir des pluies d’orage à la transition de l’hiver au printemps, à cause du choc des vents du midi contre ceux du nord. L’opposition des uns avec les autres force souvent les nuages à se presser, à se rouler les uns sur les autres, & le conflit des vents occasionne les averses.

Ici tout change de face ; l’été