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cieux que réel. Son perfectionnement tient plutôt à ce qu’elle trouve, lorsqu’on la replante, une terre neuve, douce, meuble & bien préparée, tandis que les autres végètent dans le même sol. J’ai la preuve la plus démonstrative que des renoncules qui ont reposé pendant quatre ans de suite, réussissent très-bien après. Il est vrai que toutes les griffes ne germent pas, parce que l’œil de plusieurs se trouve desséché ou fusé ; mais le nombre n’en est pas bien considérable : je ne sais si on peut prolonger plus loin leur repos. Les fleuristes ont la fureur de séparer toutes les griffes de manière qu’il ne reste qu’un seul œil à chaque griffe, sous prétexte que la fleur en sera plus belle ; c’est une erreur : il s’agit seulement d’espacer du plus ou moins en plantant, suivant la grosseur de la griffe, ou de plusieurs naturellement réunies & qu’on n’a point séparées. La griffe unique ne donne qu’une ou deux fleurs ; les griffes groupées & non divisées en donnent plusieurs, le coup d’œil général en est bien plus agréable, & les fleurs en sont tout aussi belles & forment des groupes charmans. Revenons à la conduite de la plante.

Il est essentiel, ainsi qu’on l’a observé, de préserver la griffe de la trop grande humidité, sur-tout dans le moment qu’elle pousse ses premières feuilles, ainsi que de la neigé & des petits froids, qui lui font moins de mal qu’elle. Aussi-tôt que les feuilles sont hors de terre, c’est le cas de donner un petit labour avec la pochette, & de bien prendre garde que la terre ne soit jetée sur le cœur de la plante. À mesure que la chaleur de la saison augmente, c’est le cas de donner de fréquens arrosemens, sur-tout dans les climats méridionaux, & de redoubler ces arrosemens lorsque la tige s’élève de terre. La meilleure eau sera celle qui reste exposée au gros soleil pendant toute la journée, & dont on se sert pour arroser après le soleil couché. Il est inutile de recommander de sarcler les herbes parasites, de fréquens petits labours les détruiront & aucun ne sera en pure perte pour l’accroissement & la perfection de la fleur.

L’amateur aime à jouir le plus qu’il peut du fruit de ses travaux, & il a raison ; les pluies abiment les fleurs & les font passer trop vite ; les grands coups de vent renversent les tiges ; enfin le grand soleil précipite la fleuraison ; les tentes assez élevées pour qu’on puisse se promener librement par dessous, sont ce qu’il y a de mieux, elles ont l’avantage de prévenir tous les inconvéniens, & celui de laisser circuler un libre courant d’air autour des plantes ; mais les fleuristes ne sont pas assez riches pour se procurer ces tentes & leurs supports. Ils se contentent de planter un piquet à chaque coin & sur la même ligne au milieu de la planche, sur lesquels ils fixent des paillassons ; dès que le soleil est couché, il les enlèvent pour les replacer de nouveau le lendemain au soleil levant.

Les fleurs des renoncules parfaitement doubles durent beaucoup plus long-temps en bon état que celles des semi-doubles, & celles-ci que des renoncules simples ; si on demande à la plupart des amateurs à quoi tient ce phénomène, ils seront bien embarrassés d’en trouver la solution.