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convient de tenir, cette préparation à l’abri de la pluie, mais non pas du grand air, ni du soleil, parce que l’un & l’autre la bonifient ; (consulter le mot Amendement) mais comme les corps ne se dissolvent, ne se combinent & ne se recomposent que par la fermentation, & qu’il n’y a point de fermentation sans humidité, il faut donc humecter le tas, dès qu’on s’aperçoit qu’il se dessèche ; humecter n’est pas le noyer d’eau ; sa quantité s’opposeroit à la fermentation ; cette remarque est essentielle ; il vaut mieux y revenir à plusieurs fois, sur-tout pendant l’été, époque à laquelle la chaleur unie à l’humidité accélère la décomposition des corps. J’ai dit que les feuilles peuvent suppléer le terreau des couches ; mais toutes les feuilles n’ont pas la même propriété, au moins pour les renoncules. J’avois fait rassembler & pourrir beaucoup de feuilles de noyer ; je mêlai leur résidu avec ma terre, & presque toutes mes renoncules périrent ; une grande partie échappa dans la terre où le mélange avoit été peu considérable ; je crois que les feuilles de châtaigniers ne vaudroient pas mieux à cause de leur astriction ; le point essentiel, le point unique est de concentrer dans la terre qu’on destine à la culture des renoncules, une grande quantité d’humus, ou terre végétale, ou terre soluble dans l’eau, parce que c’est la seule qui entre dans la composition des plantes, & forme leur charpente. Les animaux, & les végétaux par leur destruction sont les seuls qui fournissent cet humus, base fondamentale & unique de toute végétation. Si on peut se procurer une quantité suffisante de bois pourris & réduits presqu’en poussière, de ce terreau qu’on trouve dans les troncs d’arbres, ce mélange sera excellent avec la terre des jardins. La tourbe décomposée est encore très-bonne, & c’est à la grande quantités que les Hollandois ont la facilité de se procurer, qu’ils doivent le perfectionnement de toute espèce de fleurs, parce que cette tourbe devient un vrai terreau.

Lorsqu’après un certain laps de temps on juge que les substances végétales & animales du monceau ont été complettement décomposées par la fermentation, on passe le tout au crible à mailles larges, & on amoncèle le tout de nouveau, jusqu’au moment où la saison invitera à planter les renoncules ; par cette opération la terre des jardins est mélangée avec les débris végétaux & animaux, & par le nouvel amoncellement chaque partie s’assimile avec sa voisine & devient une masse de terre analogue. Le moment de planter ou de semer étant venu, on repasse la totalité par un crible à mailles très-serrées, afin qu’il ne reste ni gravier, ni grumeaux, ni substance qui ne soit pas décomposée.

Quelques-uns préfèrent l’usage de la terre neuve, par exemple celle que l’on tire des fondations d’une maison, des fouilles d’une cave &c. qu’ils mélangent ensuite avec des fumiers ; ce procédé devient plus dur, il faut plus long-temps travailler cette terre pour la rendre meuble & la charger d’humus. Qu’on s’en tienne à ce qui est le plus simple ; mais l’homme aime ce qui est compliqué, & ne trouve beau & bon que ce qui est difficile ; toute terre noire & douce est en général très-bonne & sert de base ; des gazonnées, bien pourries, tiendront lieu