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L’Auteur n’a sans doute jamais vu les champs semés en navette. Le colsat (consultez ce mot) a tout l’extérieur d’un chou de nos jardins ; ses feuilles en ont la couleur, presque la forme, & sont un peu moins grandes. Le port de la navette, la manière de tenir ses feuilles & leur forme ressemblent parfaitement, & à quelques modifications près, à la totalité de la rave.

La navette est le vrai brassica napus, silvestris ; sa racine est fibreuse, menue, & ne fait point un gros navet à l’instar des plantes dont j’ai parlé ci-dessus ; le calice de sa fleur est plus ouvert que celui du colsat, & il approche beaucoup de celui des moutardes ; sa fleur est toute semblable pour la forme à celle du colsat & des autres grosses raves ou navets ; elles varient du jaune au blanc, rarement au violet ; la couleur jaune est dominante ; les feuilles sont d’un vert moins foncé que celles du navet ; celles qui partent de la racine sont découpées en manière de lyre, plus alongées & moins arrondies à leur sommet, recouvertes de poils qui les rendent dures au toucher, ordinairement couchées sur terre ; les feuilles qui partent des tiges ont la forme d’un cœur alongé, & elles embrassent la tige par leur base : la tige a communément deux ou trois pieds de hauteur, suivant la nature du sol où on la cultive ; de cette tige sortent des fleurs en croix dont l’odeur est très-forte ; elles attirent beaucoup les abeilles ; le pistil se change en une silique ou gousse longue & ronde, qui renferme de petites graines rondes, brunes en dehors & jaunes en dedans.

On doit être bien persuadé que la bonne culture prodiguée à cette plante de nos champs, a dû la perfectionner & occasionner plusieurs variétés, les unes plus hâtives, & les autres plus productives pour la graine.

La culture de la navette est un objet considérable en Allemagne, dans la Flandre françoise & autrichienne, &c. : le but principal qu’on se propose dans cette culture, est d’obtenir une graine destinée à donner de l’huile qui se consomme en grande partie pour brûler, & dans les manufactures pour préparer les laines ; enfin elle est presque la base du savon noir & liquide dont on se sert à laver le linge dans les pays du nord. Ce savon a une odeur désagréable qu’il communique au linge, mais que le linge perd en restant quelques jours exposé à l’air : il seroit plus expédient de se servir du procédé que j’ai indiqué à l’article colsat, au moyen duquel la graine, ainsi préparée avant d’être envoyée au moulin, ne transmet plus à l’huile son odeur & sa saveur désagréables.

J’ai répété sans cesse, & je ne cesserai de dire, que toutes les plantes à racines pivotantes demandent une terre légère, ameublie & substancielle : la navette est sur-tout dans ce cas, & il vaut mieux ne pas la cultiver dans un sol compact, à moins que ce ne soit simplement comme engrais ou comme fourrage ; dans ce cas, je préfère la grosse rave & le turneps.

L’époque du semis varie suivant les cantons : dans quelques-uns, on la sème aussitôt après la récolte des blés ; dans d’autres, en automne ; enfin, dans quelques-uns, après l’hiver. La plante est dure, craint