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turneps, & cette nourriture les engraisse beaucoup. On commence à la leur donner peu à peu, & on l’augmente toujours, surtout pour les animaux destinés à la boucherie ; mais avant de tuer l’animal, on a soin de lui retrancher pendant quinze jours cette nourriture, parce que la saveur de sa chair ne seroit pas très-agréable. Dans une instruction sur la culture du turneps, imprimée & distribuée par ordre du Gouvernement, il est dit, qu’un bœuf mange en Angleterre quelquefois par jour jusqu’à deux cents livres de turneps, tandis qu’il ne mangeroit pas plus de vingt-cinq livres de tout autre fourrage. Cette nourriture augmente beaucoup le lait des vaches.

Dans les provinces du centre & de l’orient du Royaume où la culture de la grosse rave est en grande recommandation, j’ai vu dans plusieurs endroits que les ménagères fasoient cuire à près de moitié ces racines dans l’eau un peu imprégnée de la petite farine du son, sans en retirer le son ; elles ajoutoient plusieurs autres herbes qui cuisoient en même temps que les raves, & donnoient aux vaches cette préparation un peu chaude. L’expérience a prouvé que ces animaux donnoient alors beaucoup plus de lait que lorsqu’ils mangeoient l’herbe crue. (Consultez à ce sujet l’article Chèvre) La même préparation chaude, profite beaucoup à la volaille. On objectera peut-être la dépense du bois & du charbon ; elle est nulle, puisque le même feu qui sert à la cuisine, sert en même temps à la demi-cuisson de ces herbes. Aussitôt qu’on retire un chaudron de la cheminée, on en place un autre ; de cette manière, la chaleur est perpétellement mise à profit : les cochons sont très-avides de ces racines, surtout quand elles sont cuites.

Si on donne au bétail ces racines crues & coupées par morceaux, il les avale sans les mâcher ; elles lui profitent beaucoup moins, & souvent ces morceaux s’arrêtent dans leur gosier, & il en résulte des accidens funestes. S’il arrivoit, dit l’Auteur de la feuille déja citée, qu’un morceau de turneps s’arrêtât dans le gosier d’un bœuf ou d’une vache, il faudroit le soulager promptement. Dans les pays où le turneps est commun, les filles de basse-cour sont dans l’usage d’enfoncer leur bras nud dans la gueule de la vache, & de retirer avec la main le morceau qui s’est arrêté. Aujourd’hui on préfère de les donner entiers.

Dans les cantons où le fourrage est rare, on le supplée en partie par les feuilles de la grosse rave & du gros navet ou turneps ; si la soustraction de ces feuilles est graduelle & modérée, elle ne nuit pas, ou du moins bien peu, à l’accroissement & à la bonté des racines.


CHAPITRE IV.

De la culture de la Navette ou Rabiole.


L’Auteur du Journal d’Agriculture, dans le cahier du mois de mars 1771, dit : « Personne n’ignore que de temps immémorial les Flamands ont cultivé la navette sous le nom de colsat : cette culture est sur tout en vigueur dans les pays de Liège, de Cologne, dans la Brie, la Champagne, la Normandie, &c. ; mais la navette de Hollande & de Flandre est plus grosse & mieux nourrie que celle de France ».