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plus rouges & meilleures ; on en mêle alors dans les semences d’épinard & de mâches, ou dans les chicorées, & quelque part enfin qu’on les mette, elles sont bien… On continue en octobre, mais celles-ci demandent plus d’attention ; car les gelées qui commencent dans ce mois venant à les surprendre, les font périr. Il faut les semer en planche à quelque abri exposé au soleil, & les couvrir de paillassons pendant le mauvais temps, & sur-tout pendant les nuits. Il est encore plus sûr de les semer sur de vieillis couches ou sur des ados de terreau, où elles sont moins sujettes à rouiller que dans la terre, sont toujours plus douces à manger & ne sont pas tant exposées à être rongées par les insectes. Si elles sont bien soignées, elles fournissent des raves jusqu’à noël, mais elles perdent beaucoup de leur goût dans cette dernière saison ; & si la moindre gelée les a surprises, elles n’en ont point du tout ».

« Pour en recueillir la graine, on replante au mois de mars ou d’avril une planche, plus ou moins, des premières qui ont été élevées sur couche, & on choisit les plus rouges & les plus unies. On les espace à un bon pied les unes des autres[1], & on les arrose tout de suite, ce qu’il faut continuer jusqu’à ce qu’elles soient bien reprises. On les abandonne ensuite, & quand elles commencent à faire leur montant, on les lie à des échelles ou à des lattes courantes qu’on place entre les rangs. Beaucoup de gens les laissent en liberté pour s’épargner ces soins, mais fort souvent les vents & les pluies d’orage cassent ou couchent sur terre ces plantes ; alors la graine pourrit en très-grande partie[2]. Plus cette graine est aérée & frappée du soleil, meilleure elle est. Les oiseaux lui font une cruelle guerre aux approches de sa maturité : il faut s’en défendre le mieux qu’on peut. Lorsqu’enfin dans le courant d’août les siliques sont jaunes pour la plupart, on arrache les pieds & on les laisse encore pendant quelques jours exposés au soleil, après quoi on les lie par paquets & on les attache au plancher dans un lieu sec où les souris ne puissent pas aborder ; car cette graine demande à demeurer dans les siliques le plus long-temps qu’on peut l’y garder. Elle s’y nourrit & se conserve beaucoup mieux, & même elle est bonne après dix ans si elle est restée dans son enveloppe ».

Ces détails sur la culture simple de la rave, pratiquée dans les environs de Paris, peuvent s’appliquer à celle de presque toutes nos provinces du nord & à quelques-unes du centre du royaume, dont le climat en rapproche ; les provinces vraiment méridionales de-

  1. Bien entendu qu’on séparera & plantera à une très-grande distance les espèces différentes, sans cette précaution on court grand risque d’avoir des espèces altérées.
  2. Pour avoir d’excellente graine, il convient de ne laisser que les siliques inférieures, & dès qu’elles sont bien formées, de supprimer la partie supérieure de la plante. Le raiforts ou petites raves & radis qu’on replante pour graine, doivent être placés dans un terrain aussi doux & aussi fertile que le premier qui a servi à leur végétation, par ce moyen la graine ne dégénère pas.