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dans la ravière ; ils étoient accoutumés à mesurer des yeux l’espace de dix à quinze pouces ; ils arrachoient les deux plantes voisines de celle qui devoit rester en place ; le lendemain, non pas la suivante, mais la troisième, & ainsi successivement pendant les autres jours, de manière qu’à la fin la plante à demeure étoit à dix pouces de celle du sillon voisin & à douze ou quinze pouces de celle de son sillon ; je n’ai jamais vu de raves & navets si gros & si feuilles.

Dans plusieurs cantons, où le fourrage est rare, & par conséquent très-cher, on le supplée par le fourrage des raves. On sème la graine fort épais au premier printemps, on fauche ensuite l’herbe aussi souvent que ses pousses le permettent, & à force de la faucher on l’empêche de fleurir ; enfin après la dernière coupe on laboure, mais sa racine procure très-peu d’engrais au champ, parce qu’elle s’est épuisée à nourrir les feuilles & les tiges. Dans plusieurs endroits on fauche les feuilles seulement lorsqu’elles ont acquis la hauteur d’un pied ; je conseillerai pour cas pays de tirer chaque année, ou du moins tous les deux ans, la graine d’Angleterre, afin d’avoir des feuilles plus longues & d’une direction plus perpendiculaire que celle de nos raves & de nos navets. J’ai vu dans plusieurs de nos provinces la totalité de ces plantes n’avoir que des feuilles horizontales & couchées sur terre, & cependant avoir des racines monstrueuses pour leur grosseur.

Les raves & les navets ont deux ennemis redoutables, les chenilles & les pucerons ; les premiers n’exercent leurs ravages que pendant un espace de temps assez court, mais trop long dans les cantons où l’on ne cultive ces plantes que comme fourrage. Le seul remède à employer, est de couper les feuilles à mesure que l’on commence à s’apercevoir de leur dégât, de les rassembler dans des sacs ou dans des balles & de transporter le tout au fumier : il en est ainsi pour les pucerons dont l’existence est plus longue, ou du moins qui se renouvelle à plusieurs reprises pendant le même été. On a proposé comme remède efficace de passer pendant l’été, au grand matin & par un temps sec, le rouleau sur les raves & sur les navets, afin d’écraser les pucerons.

Cette opération ne détruira pas le quart des pucerons ; ils sont si petits & l’œuf l’étant davantage, échappe à l’écrasement que doit produire la pression. On n’a rien ou presque rien à espérer d’une plantation gagnée par les pucerons, à moins qu’on n’en supprime régulièrement toutes les feuilles & qu’on ne les fasse pourrir ou dans une fosse creusée dans le champ, ou dans la fosse à fumier de la basse-cour ; si on ne prend pas ce parti, il convient de labourer le champ de nouveau & d’y semer des carottes jaunes ou rouges, ou blanches, ou même des bettes-raves. La suppression complette des feuilles ne nuit pas beaucoup aux racines, elles sont bientôt remplacées par d’autres ; cependant, après plusieurs coupes répétées, la racine devient caverneuse, elle n’offre qu’une mauvaise nourriture pour le bétail ; il vaut mieux l’enfouir par un coup de charrue. Les journaux & les livres d’agriculture sont remplis de recette contre ces animaux destructeurs. Les