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l’air, sont moins sujets aux mulots que les champs voisins. Tous ces moyens ne sont pas à négliger, mais aucun n’est d’une utilité générale, à moins qu’on ne les emploie également sur tous les champs limitrophes & dans tout un canton ; sans cette précaution le mal ne tardera pas à se manifester. On aura perdu son temps & dépensé beaucoup d’argent en pure perte. Il en est de la destruction des mulots comme de celle des loups, (consultez ce mot) on y travaille en vain si l’opération n’est pas suivie par toute la province. Je sais par expérience que de la pâte dans laquelle on mêle du tartre-émétique, ou de la noix vomique, & avec laquelle on fait des boulettes que l’on place dans chaque trou, fait périr beaucoup de mulots ; mais comme je ne peux pas renouveler cette opération tant que l’herbe couvre la prairie, & tant que les blés sont sur les champs, mes succès ne sont que momentanés, & encore ils deviennent nuls dans l’année même par l’invasion des mulots qui se trouvent en trop grand nombre dans les champs voisins pour y trouver la nourriture dont ils ont besoin.

Presque tous les auteurs qui ont écrit sur l’agriculture, n’ont pas manqué de donner des recettes ; plusieurs sont absurdes, presque toutes dangereuses à cause des ingrédiens qui les composent. Ce qu’on y trouve de plus réel, c’est le ton d’assurance avec lequel ils les proposent. Que répondroient-ils à celui qui demanderoit s’ils les ont essayées ? si à la fin de l’année ils ont eu le même succès que dans le commencement, & si, à cette époque, leurs prés & leurs champs ont été débarrassés de cette maudite engeance ? Quoi qu’il en soit, le moyen efficace de la détruire est encore à trouver. Je suis fâché de faire cet aveu ; mais après avoir essayé tous les moyens que l’on a proposés, j’ai eu le chagrin de voir que je n’étois pas plus avancé à la fin qu’au commencement de l’année.


RATAFIAT, liqueur spiritueuse faite avec les noyaux de différens fruits ou avec les fruits mêmes.

Les oranges fourniront un exemple. On choisit celles qui sont à leur véritable point de maturité & très-douces ; les oranges rouges de Malthe sont les meilleures : on en coupe quatre, cinq ou six par tranches, suivant la quantité de liqueur qu’on se propose d’avoir ; le tout est jeté dans un vaisseau susceptible d’être bouché exactement & rempli au trois quarts de bonne eau-de-vie. On laisse ce vaisseau exposé au gros soleil pendant un mois environ : trois oranges suffisent par pinte d’eau-de-vie. Après cette époque on tire à clair la liqueur ; on y ajoute une demi-pinte d’eau ou plus suivant le degré de spiritualité de l’eau-de-vie ou de l’esprit de vin dont on s’est servi, ou point du tout si l’eau-de-vie est foible ; on fait cuire presqu’à consistance de sirop deux livres de sucre dans suffisante quantité d’eau que l’on jette sur l’eau-de-vie. Ce ratafiat se conserve dans des bouteilles bien bouchées. Si, après un mois ou deux, on le trouve trop foible ou trop fort, trop ou pas assez sucré, on lui ajoute ce qui lui manque. Telle est la méthode la plus usitée dans les campagnes, & ce n’est pas la meilleure ; ceux qui désirent