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ter les grappes, tandis que le grain seul suffit & que les grappes donnent à la liqueur un goût âpre & acerbe, si elles ne sont pas mûres ; (consultez ce qui a été dit à ce sujet au mot déja cité,) à moins qu’on ne suppose mal à propos, comme quelques auteurs, que l’âpreté & l’acerbe sont les conservateurs du vin. En ce cas, du bois de chêne vaudroit bien mieux, puisque de tous les bois indigènes à la France, c’est celui qui possède ces qualités au plus haut degré. Il suffit donc de remplir la futaille avec les grains seuls, & de la remplir ensuite avec du vin nouveau, & le meilleur, & le plus sucré que l’on peut avoir. S’il ne l’est pas & si le total est de qualité médiocre, l’art doit venir au secours de la nature & fournir à la totalité les principes qui lui manquent ; le sucre, ou la carbonnade, ou le miel, produiront cet effet, puisque la seule substance sucrée est susceptible de la fermentation vineuse & de donner de l’esprit ardent. Si on a lu attentivement l’article Fermentation, on doit se ressouvenir que l’esprit ardent & l’air fixe sont les grands conservateurs du vin. Les substances sucrées produisent l’un & l’autre, & de leur combinaison intime dans la liqueur, dépend sa durée. Il est donc clair, d’après cette démonstration rigoureuse, que la futaille remplie de grain & de moût doit rester le moins long-temps possible débouchée, afin de perdre le moins possible de cet air fixe qui se dégage pendant la fermentation tumultueuse ; car ici la futaille tient lieu de cuve. Dans les provinces du midi du royaume, on craindra peu de voir cette futaille éclater, parce que les vins y contiennent peu d’air fixe ; dans celles du centre du royaume, l’inconvénient est plus à redouter, & il l’est beaucoup plus dans celles du nord où l’air fixe trouve moins de lien d’adhésion par le peu de parties sucrées que la liqueur contient ; c’est donc à chaque propriétaire à étudier l’effet de son climat & les principes constituans de ses vins ; enfin d’après cette étude, il se hâtera de boucher tout de suite, ou plus tard sa futaille. Ce rapé vaudra beaucoup mieux si on le traite comme le vin enragé, c’est-à-dire, qui ne fermente pas dans la cuve, mais dont la fermentation s’exécute en totalité dans les vaisseaux fermés. (Consultez le mot Vin) Si malgré cette étude, on craint encore l’explosion des fonds de la futaille, on peut laisser en dedans un vide de quelques pouces, afin que l’air trouve un espace pour se débander & surtout pour prévenir l’effet de la dilatation des grains de raisin, qui se durcissent, le ballonnent, & occupent plus de place après la fermentation qu’auparavant. Ces grains deviennent alors autant de dépôts particuliers d’air fixe, & de principes mucilagineux & sucrés ; parce que n’étant pas écrasés ils n’ont presque pas mêlé leurs parties constituantes avec celles de la liqueur, c’est en cela qu’ils deviennent très-utiles pour le but qu’on se propose.

Tous les marchands de vins & les grands propriétaires de vignobles, ont un certain nombre de futailles remplies de ce rapé ; ils commencent par en tirer au besoin tout le fluide qu’elles contiennent, & ils s’en servent pour soutenir des vins qui commencent foiblir. Sur le résidu, sur les grains, ils remettent du vin foible