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furent toutes incisées en étoiles à plus ou moins de profondeur. Les premières furent cautérisées avec le beurre d’antimoine ; les secondes, avec de grosses aiguilles rougies à la flamme d’une bougie. Le caustique fut porté sur tous les points de la surface & du bord des plaies, de manière que la sphère de son activité répondît à la grandeur de leurs dimensions. Deux heures ne purent pas suffire à cette opération, devenue plus cruelle pour l’opérateur que pour le malade, tant la crainte de la rage exaltoit le courage de ce dernier. Nous demandons grâce pour ces détails déchirans, mais bien consolans aussi, puisqu’ils assurent un moyen de guérir une maladie à laquelle on a eu jusqu’à présent si peu d’armes victorieuses à opposer. Les escares ne tardèrent point à tomber : les plaies légères furent promptement cicatrisées, & successivement les plaies plus considérables : en sorte que le plus heureux succès couronna la constance du jeune homme, qui jouit maintenant de la meilleure santé.

Dire que ce moyen, la cautérisation, est connu & qu’il est recommandé par les auteurs qui ont écrit sur la rage, ce n’est rien diminuer du mérite de M. Sabatier, puis qu’avant lui on le regardoit simplement comme auxiliaire, & qu’on étoit bien loin d’y attacher l’importance qu’il doit avoir.

Dans cet intervalle, cinquante cinq jours après, le jardinier, si tranquille sur son sort, ne tarda pas à éprouver des symptômes effrayans, avant-coureurs de l’hydrophobie ; bientôt elle fut déclarée & il périt.

On observera que M, Sabatier pérmit au jeune homme, qui le déiiroit, quelques gouttes d’alkali-volatil ; mais nous croyons devoir ajouter, pour écarter toute prévention en faveur de ce remède comme anti-hydrophobique, que ce fut par complaisance que M. Sabatier se prêta à l’usage de ce remède dont il avoit déja reconnu l’inutilité, plusieurs personnes mordues par des animaux enragés, & qui en avoient pris à forte dose, ayant péri.

Ce sujet est assez important pour ne pas le terminer sans ajouter quelques-unes des réflexions de M. Sabatier. Le caustique, le feu, détruisent en pareil cas le virus, en même temps que le tissu des parties qui en sont imprégnées : alors il n’a pas le temps de déployer son énergie & de l’exercer sur l’économie animale ; car la longueur du temps qui s’écoule avant que la rage se déclare, prouve qu’il est d’abord sans action : en effet, ce n’est guères qu’au bout de trente ou quarante jours qu’on commence à éprouver des accidens. Ce virus peut être comparé au virus variolique qu’on inocule, & qui est quelque-temps sans se développer.

M. Sabatier cite à l’appui de ce fait, deux autres faits de même genre & qui lui sont également particuliers ; c’est-à-dire, que de plusieurs individus mordus par le même animal enragé, ceux qu’il a traités par la méthode que nous venons d’indiquer, n’ont point éprouvé d’hydrophobie, tandis que les autres y ont succombé.

Solleysel, dans son ouvrage intitulé, le parfait Maréchal, édition de Paris 1754, & dans une nouvelle édition de 1775, Page 310 de toutes les deux, annonce un remède infail-