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développement ; il faut le détacher, l’arracher en quelque sorte de la partie où il est fixé, ou bien, pour présenter nos idées sous un autre point de vue, & être mieux entendu, il faut détruire le venin dans la partie & avec la partie où il est introduit, avant qu’il ait eu le temps de déployer son énergie, & d’agir sur l’économie animale ; en cela consiste tout le procédé curatif dans les animaux.

C’est dans cette intention, sans doute, que quelques praticiens ont conseillé d’extirper, de séparer dans l’homme, toute la partie mordue ; mais outre que ce moyen est très douloureux, il exige, dans celui qui le pratique, beaucoup de délicatesse, de connoissances anatomiques, & il est bien des cas où un pareil procédé seroit dangereux ; ne parviendroit-on pas au même but promptement & infailliblement, & d’une manière sans doute moins douloureuse, en brûlant exactement & profondément toute la surface infectée par la bave de l’animal ? Ce moyen ne mérite-t-il pas à juste, titre le nom de spécifique ? Seul, ne pourroit-il pas suffire dans le plus grand nombre des cas, & toujours réussir entre les mains des praticiens sages, éclairés, & attentifs, pour prévenir la rage & assurer la guérison ?

Le feu étoit chez nos anciens, & est encore chez quelques nations, un moyen fort usité dans le traitement des maladies ; ils le recommandent sur-tout pour les blessures venimeuses ; un homme étoit-il mordu par un chien enragé ? sur le champ ils faisoient rougir un fer un peu plus large que la plaie, l’appliquoient hardiment, de manière à comprendre toute l’étendue de la plaie, & toujours le succès couronnoit l’entreprise.

M. Saunder, médecin vétérinaire à Hanovre, & M. Munch, ont publié un grand nombre d’observations sur l’efficacité de la bella-dona, contre la rage des bestiaux. Nous allons rapporter la méthode que conseillent ces artistes, parce que ce moyen ne peut que contribuer à en assurer la guérison, & ne peut jamais avoir des suites fâcheuses, sur-tout si l’on fait suivre le traitement local que nous venons d’indiquer, qui, dans tous les temps, est toujours le point essentiel, & le seul qui mérite une entière confiance.

La bella-dona est une plante assez commune ; on en fait prendre les feuilles fraîches aux animaux, en les mettant dans du foin, de l’herbe, ou des feuilles de choux : s’ils répugnent d’en manger, on leur ouvre la bouche de force, on y enfonce la prise, & l’on a attention que l’animal ne la rejette pas : on l’empêche de manger six à huit heures ; l’on continue ainsi trois jours de suite. La dose, pour un jeune veau, est d’un gros le premier jour ; deux gros, le second jour, & trois gros le troisième : on augmente la dose, suivant l’âge & la force de l’animal. Pour un bœuf vigoureux, on commence par une once, ou une once & demie.

Quoique nous soyons bien éloignés d’adopter l’opinion de M. Munch, & de regarder cette plante comme un spécifique, ce moyen cependant nous paroît mériter quelque attention, en ce que cette plante narcotique, par sa vertu, porte le calme dans le systême nerveux, favorise la transpiration ; peut concou-