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remarque dans un chien enragé ; ils sont à peu près les mêmes dans tous les animaux : l’abattement, la tristesse, le dégoût des alimens, caractérisent le premier degré de la maladie ; des accès de fureur, de délire, l’envie de mordre, l’horreur de l’eau, une salive gluante & écumeuse, caractérisent le second degré : mais ce seroit se tromper d’une manière bien fâcheuse, que de négliger des blessures, parce qu’on n’aura pas observé dans l’animal qui les a faites, tous les symptômes que nous venons de décrire ; quelquefois la maladie présente des variétés qu’il est important de connoître. Par exemple, la répugnance, l’horreur de l’eau, paroît être dans tous les animaux le signe le plus certain du second degré de la rage ; cependant plus d’une fois on a vu des chiens, des loups, dont la rage étoit bien constatée, boire abondamment, après avoir mordu des personnes ; on les a vus traverser des rivières, se détourner même de leur route, pour mordre des ouvriers occupés au milieu d’un ruisseau : ainsi, l’absence d’un de ses signes ne suffit pas pour décider qu’un animal n’est pas enragé ; en général, on doit se défier de toute morsure faite par un animal qui n’a point été provoqué, & on ne doit pas hésiter à employer le traitement que nous indiquerons à la dernière Section, sur-tout, si l’animal est fugitif, & a quelque signe de maladie.

Pour s’assurer d’une manière positive si une plaie a été faite par un animal enragé, il faut, nous disent quelques auteurs, frotter la blessure avec un morceau de pain ou de viande, de manière qu’il soit imbibé du sang, ou des sucs de la plaie : on le donnera ensuite à un chien sain ; s’il le mange, on peut, dit-on, rester tranquille sur la nature de la blessure ; mais s’il le refuse, s’il fuit en aboyant, on ne peut douter que la plaie n’ait été faite par un animal enragé. Quoique ce moyen soit recommandé par beaucoup d’écrivains, il ne paroît mériter aucune confiance : en effet, un chien affamé mangera sans répugnance le pain imbibé des sucs d’une plaie, & le venin de la rage, inhérent à la partie mordue, est en trop petite quantité, pour qu’un chien, malgré la finesse de son odorat, puisse le reconnoître.

Quelquefois un chien qui a perdu son maître, court à travers un village : on s’alarme, on s’inquiète, on le poursuit ; l’animal effrayé, & cherchant à s’échapper, mord quelquefois ceux qui se trouvent sur sa route : on le tue, & les personnes blessées sont dans la plus cruelle incertitude. Il seroit donc essentiel de pouvoir s’assurer si l’animal étoit seulement effrayé, ou s’il étoit véritablement enragé. Dans ces cas, M. Petit, fameux chirurgien de Paris, conseille, d’après son expérience, de frotter la gueule, les dents, les gencives du chien tué, avec un morceau de viande cuite, & de le présenter ensuite à un chien sain ; s’il la refuse, en criant & en hurlant, l’animal tué étoit enragé ; mais, ajoute-t-il, si la viande a été bien reçue & mangée, il n’y a rien à craindre. Ce procédé est plus raisonnable que le premier.

M. Cramer indique un autre moyen qui paroît plus efficace, & plus propre à faire connoître l’état de l’ani-