Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1789, tome 8.djvu/591

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’une épée luisante ; la soif devient plus ardente. Il survient quelquefois un vomissement de matières atrabilaires, avec une fièvre forte ; le corps s’échauffe, le sommeil est interrompu, & M. Portal ajoute que la peur qu’ils ont de la boisson, trouble leur raison au point qu’ils croyent voir tous ceux qui les entourent armés de verres & de bouteilles pour les forcer à boire.

Le moindre vent, le plus léger mouvement dans l’atmosphère qui les entoure, suffit pour leur rappeler l’idée de la boisson, ou pour exciter en eux une telle irritation, qu’ils disent souffrir des commotions générales dans tout leur corps ; ils poussent des cris de douleur lorsqu’on ouvre une fenêtre, ou lors qu’on approche d’eux avec un peu de précipitation.

« Leurs yeux ne peuvent plus supporter la clarté de la lumière ; ils se couvrent quelquefois le visage, & font fermer les fenêtres, pour rester dans l’obscurité : les uns sont si effrayés, qu’ils croyent voir continuellement, ou par intervalle, l’animal qui les a mordus. Les autres entendent des bruits fort incommodes dans les lieux les plus silencieux, & si l’on vient à faire le bruit le plus léger, à ouvrir une porte, ou à fermer une fenêtre, ils croyent que la maison tombe sur eux.»

La rage blanche, ou le second degré de la rage confirmée, est accompagnée de symptômes plus terribles. Dans cet état déplorable on observe un délire furieux, dans lequel les malades se jettent sur toutes sortes de personnes, & leur crachent au visage. Ils mordent & déchirent tout ce qu’ils trouvent, ils tirent la langue comme des lions, ils écument de la bouche, & jettent beaucoup de salive. Leur visage est rouge, leurs yeux sont étincelans. L’urine s’épaissit & s’enflamme, & quelquefois elle se supprime ; la voix devient rauque, ou les malades la perdent entièrement. Communément ils ressentent des douleurs si vives, qu’ils prient les assistans de les leur abréger, en leur ôtant la vie : il y en a qui se mordent eux-mêmes. À tous ces accidents fâcheux la foiblesse succède, & annonce une mort prochaine. D’autres ne sont jamais furieux ils pleurent & périssent sans éprouver de convulsions. La rage se communique, dit M. de Sauvage d’un sujet à l’autre de deux manières ; car, ou la salive de l’homme est immédiatement infectée de la bave de l’animal, ou bien la bave de l’animal infecte d’abord le sang au moyen d’une morsure, & ensuite l’infection se communique à la salive.

Le même savant nous apprend, « que la salive est immédiatement infectée de six manières ; 1°. en tirant le souffle vaporeux & chaud d’un animal enragé, comme l’observe Calius ; 2°. en portant à la bouche des alimens salis de cette bave ; 3°. en passant à la bouche des corps infectés, même depuis long-temps, de cette bave ; 4°. en recevant un baiser des personnes ou des animaux qui ont cette maladie ; 5°. en recevant une morsure au visage, sur les joues, où passe le conduit de Sténon ; aux oreilles, où sont les parotides ; aux glandes